Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/314

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plus aux patriciens de Tyr, les atteignaient plus profondément et plus sensiblement dans leur existence et, par là, dans leur tranquillité intérieure, que si l’on avait envoyé contre eux d’innombrables armées de cavaliers et de chars. Voilà donc, dans la plus lointaine antiquité, les Phéniciens, si fiers de leur activité mercantile, si dépravés, si abaissés par les vices un peu ignobles, compagnons inséparables de ce genre de mérite, réduits à ne posséder que l’ombre de l’indépendance et vivant serviteurs humiliés de leurs puissants acheteurs.

Le gouvernement des villes de la côte avait jadis commencé par être sévèrement théocratique. C’était l’usage de la race de Cham. En effet, les premiers vainqueurs blancs s’étaient montrés au milieu des populations noires avec l’appareil d’une telle supériorité d’intelligence, de volonté et de force, que ces masses superstitieuses ne purent dépeindre mieux la sensation d’admiration et d’épouvante qu’elles en éprouvèrent qu’en les déclarant dieux. C’est par suite d’une idée toute semblable que les peuples de l’Amérique, aux temps de la découverte, demandaient aux Espagnols s’ils ne venaient pas du ciel, s’ils n’étaient pas des dieux, et, malgré les réponses négatives dictées aux conquérants par la foi chrétienne, leurs vaincus persistaient à les soupçonner véhémentement de cacher leur qualité. C’est de même encore que, de nos jours, les tribus de l’Afrique orientale ne dépeignent pas autrement l’état dans lequel ils voient les Européens qu’en disant : ce sont des dieux (1)[1].

Les Chamites blancs, médiocrement retenus par les délicatesses de conscience des temps modernes, n’avaient vraisemblablement eu aucune peine à se résoudre aux adorations. Mais lorsque le sang se mêla, et qu’à la race pure succédèrent partout les mulâtres, le noir découvrit des traces nombreuses d’humanité dans le maître que sa fille ou sa sœur avait mis au monde. Le nouvel hybride, toutefois, était puissant et hautain.



(1) Les nègres donnent même ce titre aux Mahalaselys, tribu cafre, qui paraît mériter cet honneur par la possession de vêtements d’étoffe et de maisons pourvues d’escaliers. (Prichard, Histoire naturelle de l’homme, t. II, p. 21.)

  1. (1) Les nègres donnent même ce titre aux Mahalaselys, tribu cafre, qui paraît mériter cet honneur par la possession de vêtements d’étoffe et de maisons pourvues d’escaliers. (Prichard, Histoire naturelle de l’homme, t. II, p. 21.)