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aux Grecs la destruction d’une ville, leur tributaire, et à protéger l’Ionie. Leur but était de mettre fin au monopole des cités phéniciennes, et en conséquence, les Troyens une fois tombés sans remède, leurs vainqueurs furent admis à les remplacer. Les Grecs asiatiques devinrent ainsi les facteurs préférés du commerce de Ninive et de Babylone. C’est la première preuve que nous ayons encore rencontrée de cette vérité si souvent répétée par l’histoire, que, si l’identité de race crée entre les peuples l’identité de destinée, elle ne détermine nullement l’identité d’intérêts, et par suite l’affection mutuelle.

Tant que les Phéniciens furent seuls à exploiter les régions occidentales du monde, ils vendirent trop cher leurs denrées aux Assyriens, qui n’eurent pas de cesse jusqu’à ce que, leur ayant suscité des concurrents, d’abord dans les Troyens, puis dans les Grecs, ils eussent réussi à obtenir à meilleur compte les produits que réclamait leur consommation (1)[1].

Ainsi, dans toute l’Asie antérieure on vivait sous la direction des Assyriens. Si l’on devait réussir, on réussissait par eux, et tout ce qui essayait de sortir de leur ombre restait faible et languissant. Encore cette indépendance funeste n’était-elle jamais que relative, même chez les tribus nomades du désert. Pas une nation, grande ou petite, qui n’éprouvât l’action des populations et du pouvoir de la Mésopotamie. Cependant, parmi celles qui s’en ressentaient le moins, les fils d’Israël semblent se présenter en première ligne. Ils se disaient jaloux de leur individualité plus que toute autre tribu sémite. Ils désiraient passer pour purs dans leur descendance. Ils affectaient de s’isoler de tout ce qui les entourait. À ce titre seul, ils mériteraient d’occuper dans ces pages une place réservée, si les grandes idées que leur nom réveille ne la leur avaient pas assurée d’avance.

Les fils d’Abraham ont changé plusieurs fois de nom. Ils ont commencé par s’appeler Hébreux. Mais ce titre, qu’ils partageaient avec tant d’autres peuples, était trop vaste, trop général. Ils y substituèrent celui de fils d’Israël. Plus tard, Juda

  1. Movers, das Phœnizische Alterthum, t. II, 1re partie, p. 411.