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Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/363

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contraire, les lamentations des Israélites fatigués de manger la manne du désert. Ces nomades regrettèrent alors les oignons de la captivité. Mais aussi incrimine-t-on avec justice les murmures de la nation coupable, comme provenant d’un excès inconcevable de bassesse et d’abattement. Ceux qui proféraient ces blasphèmes oubliaient qu’ils n’avaient quitté le pays de Misr que pour fuir une oppression devenue exorbitante, qui n’était, à peu de chose près, que le régime ordinaire du peuple indigène. Mais celui-ci était impuissant à imiter les enfants d’Israël dans leur Exode, et, né d’une race infiniment moins noble, il sentait aussi beaucoup moins sa misère. La fuite des Israélites, envisagée à ce point de vue, n’est pas un des moindres exemples de la résolution avec laquelle le génie des peuples alliés de près à la famille blanche sait éviter de descendre jusqu’à un trop profond degré d’avilissement.

Ainsi le régime politique imposé à la population inférieure était au moins aussi dur en Égypte que dans les pays chamites et sémites, quant à l’intensité de l’esclavage et à la nullité des droits des sujets. Pourtant, au fond il était moins sanguinaire parce que la religion, clémente et douce, ne réclamait pas les homicides horreurs où se complaisaient les dieux de Chanaan, de Babylone et de Ninive (1)[1]. Sous ce rapport, le paysan, l’ouvrier, l’esclave égyptiens étaient moins à plaindre que la tourbe asiatique ; sous ce rapport seul, et si ces misérables ne devaient pas craindre de tomber jamais sous le couteau saint du sacrificateur, ils rampaient toute leur vie aux pieds des hautes castes.

On les employait, eux aussi, comme des bêtes de somme, pour exécuter ces gigantesques travaux que tous les siècles admireront. C’étaient eux qui charriaient les blocs destinés à l’érection des statues et des obélisques monolithes. C’était cette population noire ou presque noire dont la foule mourait en



(1) Le sort des prisonniers semble avoir été moins dur. M. Wilkinson l’affirme. On ne les voit pas, comme sur les monuments ninivites, traînés par les vainqueurs au moyen d’un anneau passé dans la lèvre inférieure. Ils étaient vendus et devenaient esclaves. (Wilkinson, t. I, p. 403 et passim.)

  1. (1) Le sort des prisonniers semble avoir été moins dur. M. Wilkinson l’affirme. On ne les voit pas, comme sur les monuments ninivites, traînés par les vainqueurs au moyen d’un anneau passé dans la lèvre inférieure. Ils étaient vendus et devenaient esclaves. (Wilkinson, t. I, p. 403 et passim.)