Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/367

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resta toujours tellement au-dessus des pays situés au sud et au sud-ouest de son territoire, qu’elle ne cessa pas d’être pour eux le foyer d’où émanait leur vie.

Cette prérogative civilisatrice fut loin cependant d’être absolue, et, pour ne pas errer, il est nécessaire de remarquer que la civilisation de l’Abyssinie provenait de deux sources. L’une, sans doute, était bien égyptienne et se montra toujours la plus abondante et la plus féconde ; mais l’autre exerçait une action qui vaut aussi la peine d’être signalée. Elle était due à une émigration très antique des Chamites noirs d’abord, les Arabes Cuschites, puis de Sémites, les Arabes Himyarites, qui passèrent, les uns et les autres, le détroit de Bab-el-Mandeb et allèrent porter aux populations d’Afrique une part de ce qu’elles possédaient elles-mêmes de culture assyrienne. À en juger d’après la situation qu’occupaient sur la côte sud de l’Arabie ces nations, et le commerce étendu auquel elles prenaient part avec l’Inde, commerce qui paraît avoir déterminé sur leur côte la fondation d’une ville sanscrite (1)[1], il est assez probable que leurs propres idées devaient avoir reçu une certaine teinte ariane, proportionnée au mélange ethnique qui avait pu se faire de la part de ces marchands avec la famille hindoue. Quoi qu’il en soit, et en étendant autant que possible la somme de leurs richesses civilisatrices, nous avons, dans l’exemple des Phéniciens, la mesure du degré de développement auquel atteignaient ces populations annexes de la race d’Assyrie, mesure qui ne dépassait pas de beaucoup l’aptitude à comprendre et à accepter ce que les rameaux plus blancs, c’est-à-dire les nations de la Mésopotamie, avaient la puissance exclusive de créer et de développer. Les Phéniciens, tout habiles qu’ils fussent, ne s’élevaient pas au-dessus de cet humble rang, et quand on considère pourtant que leur sang fut sans cesse renouvelé et amélioré par des émigrations au moins à demi blanches, qui, bien certainement, faisaient défaut aux Himyarites, en tant que le mélange de ceux-ci avec les Hindous ne pût être ni bien intime ni bien fécond, on est amené

  1. (1) Cette ville s'appelait Nagara. (Lassen, Indisch Alterth., t. I, p. 748.)