Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/369

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sortie uniquement de l’intellect de leurs favoris et antérieure à toute autre culture. De là, pris d’un noble élan que rien n’arrête, ils ont fait ruisseler cette prétendue civilisation noire sur toute l’Égypte, et l’ont encore tirée vers l’Asie. À la vérité, la physiologie, la linguistique, l’histoire, les monuments, le sens commun, réclament unanimement contre cette façon de représenter le passé. Mais les inventeurs de ce beau système ne se laissent pas aisément étonner. Embarrassés de peu de science, armés de beaucoup d’audace, il est vraisemblable qu’ils continueront leur route et ne cesseront pas de proposer Axoum pour la capitale du monde. Ce sont là des excentricités dont je ne fais mention que pour établir qu’elles ne valent pas la peine d’être discutées (1)[1].

La réalité scientifique, pour qui ne veut pas rire, est que la civilisation abyssine procède des deux sources que je viens d’indiquer, égyptienne et arabe, et que la première surtout domina de beaucoup sur la seconde dans l’âge antique. Il sera toujours difficile d’établir à quelle époque eurent lieu les premières émigrations des Cuschites d’Asie et des Himyarites. Une opinion qui date de notre XVIIe siècle, et dont Scaliger fut l’auteur, ne faisait remonter qu’à l’époque de Justinien l’invasion des Joktanides dans ce pays d’Afrique. Job Ludolf la réfute très bien et lui préfère avec raison le sentiment de



(1) Wilkinson, t. I, p. 4. — Ce savant se prononce sans hésitation contre le système chéri des négrophiles. M. Lepsius n’est pas moins péremptoire. En parlant de la pyramide d’Assur, il prononce l’arrêt suivant : « Le plus important résultat de notre examen, exécuté moitié à la clarté de la lune, moitié à celle des torches, ne fut pas précisément de la nature la plus réjouissante. J’acquis la conviction irréfragable (unabweissliche) que, dans ce monument, le plus célèbre de tous ceux de l’ancienne Éthiopie, je n’avais sous les yeux que des débris d’un art relativement très moderne. » (Briefe aus Ægypten, etc., p. 147.) Et quelques lignes plus bas : « Ce serait vainement, désormais, que l’on prétendrait appuyer sur le témoignage d’anciens monuments les hypothèses concernant une Méroé glorieuse et antique, dont les habitants auraient été les prédécesseurs et les maîtres des Égyptiens dans la civilisation. » (Ouvr. cité, p. 184.) M. Lepsius ne pense pas que les constructions éthiopiennes les plus anciennes dépassent le règne de Tirhakah, prince qui avait fait son éducation royale en Égypte et qui florissait au VIIe siècle avant J.-C. seulement.

  1. (1) Wilkinson, t. I, p. 4. — Ce savant se prononce sans hésitation contre le système chéri des négrophiles. M. Lepsius n’est pas moins péremptoire. En parlant de la pyramide d’Assur, il prononce l’arrêt suivant : « Le plus important résultat de notre examen, exécuté moitié à la clarté de la lune, moitié à celle des torches, ne fut pas précisément de la nature la plus réjouissante. J’acquis la conviction irréfragable (unabweissliche) que, dans ce monument, le plus célèbre de tous ceux de l’ancienne Éthiopie, je n’avais sous les yeux que des débris d’un art relativement très moderne. » (Briefe aus Ægypten, etc., p. 147.) Et quelques lignes plus bas : « Ce serait vainement, désormais, que l’on prétendrait appuyer sur le témoignage d’anciens monuments les hypothèses concernant une Méroé glorieuse et antique, dont les habitants auraient été les prédécesseurs et les maîtres des Égyptiens dans la civilisation. » (Ouvr. cité, p. 184.) M. Lepsius ne pense pas que les constructions éthiopiennes les plus anciennes dépassent le règne de Tirhakah, prince qui avait fait son éducation royale en Égypte et qui florissait au VIIe siècle avant J.-C. seulement.