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Fayoum, la mise en rapport de ce bassin, et les vastes constructions dont les différents groupes de pyramides sont les dispendieux résultats. Toutes ces œuvres pacifiques des premières dynasties n’indiquent pas un peuple qui ait eu ni beaucoup de goût ni beaucoup de loisir pour des expéditions lointaines, que rien, pas même la raison de voisinage, ne rendait attrayantes, encore bien moins nécessaires[1].

Cependant, faisons céder un moment toutes ces objections si fortes. Réduisons-les au silence, et adoptons Sésostris, et ses conquêtes pour ce qu’on nous les donne. Il restera incontesté que ces invasions ont été tout à fait temporaires, n’en déplaise à la fondation vaguement indiquée de cités soi-disant nombreuses, et tout à fait inconnues dans l’Asie Mineure, et à la colonisation de la Colchide, occupée par des peuples noirs, des Éthiopiens, disaient les Grecs, c’est-à-dire des hommes qui, de même que l’Éthiopien Memnon, peuvent fort bien n’avoir été que des Assyriens.

Tous les récits qui font des monarques de Memphis autant d’incarnations antérieures de Tamerlan, outre qu’ils sont contraires à l’humeur pacifique et à la molle langueur des adorateurs de Phtah, à leur goût pour les occupations rurales, à leur religiosité casanière, se montrent trop incohérents pour ne pas reposer sur des confusions infinies d’idées, de dates, de faits et de peuples[2]. Jusqu’au dix-septième siècle avant J.-C. l’influence égyptienne, et toujours l’Afrique exceptée, n’avait que très peu d’action ; elle exerçait un faible prestige, elle était à peine connue[3]. Des travaux de défense du genre de ceux que

  1. Bunsen, t. II, p, 214 et passim.
  2. Movers, das Phœn. Alterth., t. II, 1re partie, p. 298.
  3. La Phénicie en tenait seule quelque compte ; les petites nations hébraïques ou chananéennes montraient une prédilection presque absolue pour les idées assyriennes. Je l’ai expliqué plus haut du reste : ces petits États-frontières étaient soumis à beaucoup de ménagements, en même temps qu’à beaucoup de séductions, et il n’y a rien d’extraordinaire à ce que, dans le voisinage immédiat de l’Égypte, il se trouve quelques traces de l’influence de ce pays. En tout cas, on aurait tort de trop facilement en accepter l’idée. Plus d’une coutume supposée égyptienne est tout aussi facile à revendiquer pour d’autres ori-