Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

supportait mal le contact si proche de sa charlatanerie phraseuse. Il voyait se réaliser les prédictions de son livre ; mais loin de se complaire dans sa divination, la rapidité effrayante de la décadence le remplissait de tristesse et de dégoût. Il contemplait avec horreur la multitude, métissée par les jaunes et les noirs, et courant à l’assaut des dernières forteresses des institutions aryanes ; l’Angleterre elle-même corrompue par les éléments finnois-celtes, affaiblie, et poussée vers la ruine au bruit sonore des phrases creuses de ses criminels rhéteurs ; le monde slave uni prochainement peut-être au monde chinois et prêt à faire une poussée formidable et finale sur l’Occident dégénéré. Ces idées pourront paraître exagérées aux observateurs superficiels, mais elles semblaient incontestables à ce puissant esprit. Qui peut nier que l’agitation nerveuse et la prostration sénile n’aient augmenté, avec l’attente d’une crise prochaine et la terreur d’un inconnu redoutable, dans l’année qui vient de s’écouler depuis la mort de M. de Gobineau ?

L’hiver de 1881 à 1882 lui fut pénible à passer. A ses autres souffrances s’était ajoutée une maladie des yeux qui lui enlevait la ressource de la lecture, de ce plaisir qui est une des récompenses les plus solides du culte des choses de l’esprit. Au printemps il se rendit à Bayreuth auprès du grand maître Richard Wagner, pour lequel il avait une vive admiration. Il y fut accueilli avec la sollicitude la plus empressée, mais il ne put séjourner. Les médecins l’envoyèrent à Gastein, où il se sentit mieux.

De là, accompagné par un ami fidèle qui vint d’Italie pour faire ce voyage avec lui, il se dirigea vers