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vie, que, ni par les riches sacrifices, ni par l’étendue et la profondeur du savoir, ni par aucun moyen humain, il n’était donné à personne d’occuper au ciel la même place que les çouras. La mort reçue en combattant, tout mérite s’éclipsait devant celui-là. Mais la prérogative des guerroyeurs intrépides ne s’arrêtait même pas à ce point suprême. Il pouvait leur arriver, non pas seulement d’aller habiter, hôtes vénérés, la demeure éthérée des dieux : ils étaient en passe de détrôner les dieux mêmes, et, au sein de sa puissance, Indra, menacé sans cesse de se voir arracher le sceptre par un mortel indomptable, tremblait toujours (1)[1].

On trouvera entre ces idées et celles de la mythologie scandinave des rapports frappants. Ce ne sont pas des rapports, c’est une identité parfaite qu’il faut constater ici entre les opinions de ces deux tribus de la famille blanche, si éloignées par les siècles et par les lieux. D’ailleurs, cette orgueilleuse conception des relations de l’homme avec les êtres surnaturels se rencontre dans les mêmes proportions grandioses chez les Grecs de l’époque héroïque. Prométhée, enlevant le feu divin, se montre plus rusé et plus prévoyant que Jupiter ; Hercule arrache par la force Cerbère à l’Érèbe ; Thésée fait trembler Pluton sur son trône ; Ajax blesse Vénus ; et Mercure, tout dieu qu’il est, n’ose se commettre avec l’indomptable courage des compagnons de Ménélas.

Le Schah-nameh montre également ses champions aux prises avec les personnages infernaux, qui succombent sous la vigueur de leurs adversaires.

Le sentiment sur lequel se base, chez tous les peuples blancs, cette exagération fanfaronne est incontestablement une idée très franche de l’excellence de la race, de sa puissance et de sa dignité. Je ne suis pas étonné de voir les nègres reconnaître si aisément la divinité des conquérants venus du nord, quand ceux-ci supposent, de bonne foi, la puissance surnaturelle communicable à leur égard, et croient pouvoir, en certains cas, et au prix de certains exploits guerriers ou moraux,

  1. Lassen, Indisch. Alterth., t. I.