Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/429

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aboutir, un jour, à des mutilations effrénées, à des supplices absurdes, également révoltants pour le cœur et pour la raison. Les purohitas n’en étaient pas là encore. Prêtres d’une nation blanche, ils ne songeaient même pas à de pareilles énormités.

La puissance sacerdotale était désormais assise sur des bases solides. Le pouvoir séculier, fier d’en obtenir sa consécration et de s’appuyer sur elle, servait volontiers ses développements. Bientôt il put s’apercevoir que ce qui se demande se refuse aussi. Tous les rois ne furent pas également bien reçus des maîtres des sacrifices, et il suffit de quelques rencontres où la fermeté de ceux-ci se trouva d’accord avec les sentiments des peuples, il suffit que certains d’entre eux périssent martyrs de leur résistance aux vœux d’un usurpateur, pour que l’opinion publique, frappée de reconnaissance et d’admiration, fit aux purohitas réunis un pont vers les plus hautes entreprises.

Ils acceptèrent le rôle éminent qui leur était attribué. Cependant je ne crois ni à la prédominance des calculs égoïstes dans la politique d’une classe entière, ni aux grands résultats amenés par de petites causes. Quand une révolution durable se produit au sein des sociétés, c’est que les passions des triomphateurs ont pour rebondir un sol plus ferme que des intérêts personnels, sans quoi elles rasent la terre et ne montent à rien. Le fait d’où le sacerdoce arian s’avisa de faire jaillir ses destinées, loin d’être misérable ou ridicule, devait, au contraire, lui gagner les sympathies intimes du génie de la race, et l’observation qu’en firent les prêtres de cette époque antique accuse, chez eux, une rare aptitude à la science du gouvernement, en même temps qu’un esprit subtil, savant, combinateur et logique jusqu’à la rage.

Voici ce dont s’aperçurent ces philosophes, et ce qu’ensuite imagina leur prévoyance. Ils considérèrent que les nations arianes se trouvaient entourées de peuplades noires dont les multitudes s’étendaient à tous les coins de l’horizon et dépassaient de beaucoup par le nombre les tribus de race blanche établies sur le territoire des Sept-Fleuves, et déjà descendues jusqu’à l’embouchure de l’Indus. Ils virent, en outre, qu’au milieu des Arians vivaient, soumises et paisibles, d’autres populations