Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/436

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habitudes, plus paisibles, plus casanières que celles des guerriers, tendaient à l’en faire profiter davantage.

Avec ces trois hautes castes, la société hindoue, dans son idéal, était complète. En dehors de leur cercle, plus d’Arians, plus d’hommes deux fois nés. Cependant, il fallait tenir compte des aborigènes, qui, soumis depuis plus ou moins longtemps et peut-être un peu apparentés au sang des vainqueurs, vivaient obscurément au bas de l’échelle sociale. On ne pouvait repousser absolument ces hommes attachés à leurs vainqueurs et ne recevant que d’eux leur subsistance, sans se jeter, avec une barbare imprudence, dans des périls inutiles. D’ailleurs, par ce qui se passa ensuite, il est fort probable que les brahmanes avaient déjà senti combien il serait contraire à leurs véritables intérêts de rompre avec ces multitudes noires qui, si elles ne leur rendaient pas les honneurs délicats et raisonnés des autres castes, les entouraient d’une admiration plus aveugle et les servaient avec un fanatisme plus dévoué. L’esprit mélanien se retrouvait là bien entier. Le brahmane, prêtre pour les kschattryas et les vayçias, était dieu pour la foule noire. On ne se brouille pas de gaieté de cœur avec de si chauds amis, et surtout quand il n’est pas besoin de faire beaucoup pour se les conserver.

Les brahmanes composèrent une quatrième caste de toute cette population de manœuvres, d’ouvriers, de paysans et de vagabonds. Ce fut celle des çoudras ou des dazas, des serviteurs, qui reçut le monopole de tous les emplois serviles. Il fut rigoureusement défendu de les maltraiter, et on les soumit à un état de tutelle éternelle, mais avec l’obligation, pour les hautes classes, de les régir doucement et de les garder de la famine et des autres effets de la misère. La lecture des livres sacrés leur fut interdite ; ils ne furent pas considérés comme purs, et rien de plus juste, car ils n’étaient pas Arians (1)[1].

Après avoir ainsi distribué leurs catégories, les inventeurs du système des castes en fondèrent la perpétuité, en décrétant que chaque situation serait héréditaire, qu’on ne ferait partie

  1. (1) Lassen, Indisch., Alterth., t. I, p. 817 et pass.