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Elles n’ont de valeur que lorsque la bonne foi de ceux qui les emploient est intacte. Dans ce cas, elles deviennent irrésistibles, et l’exemple de l’Inde le prouve.

Il y eut ainsi, vis-à-vis des Aborigènes, deux sortes de conquêtes. L’une, la moins fructueuse, fut opérée par les kschattryas. Ces guerriers, formant une armée régulière quadruple, disent les poèmes, c’est-à-dire composée d’infanterie, de cavalerie, de chars armés et d’éléphants, et généralement appuyée d’un corps auxiliaire d’indigènes, se mettaient en campagne et allaient attaquer l’ennemi. Après la victoire, la loi civile et religieuse interdisait aux militaires de procéder à l’incorporation des populations impures. Les kschattyras se contentaient d’enlever le pouvoir au chef promoteur de la querelle, et lui substituaient un de ses parents ; après quoi ils se retiraient en emportant le butin et des promesses précaires de soumission et d’alliance (1)[1]. Les brahmanes procédaient tout autrement, et leur manière constitue seule la véritable prise de possession du pays et les conquêtes sérieuses (2)[2].

Ils s’avançaient par petits groupes au delà du territoire sacré de l’Aryavarta ou Brahmavarta. Une fois dans ces forêts épaisses, dans ces marécages incultes où la nature des tropiques fait croître en abondance les arbres, les fruits, les fleurs, place les oiseaux aux riches plumages et aux chants variés, les gazelles par troupeaux, mais aussi les tigres et les reptiles les plus redoutables, ils construisaient des ermitages isolés où les aborigènes les voyaient s’appliquant incessamment à la prière, à la méditation, à l’enseignement. Le sauvage pouvait les tuer sans peine. À demi nus, assis à la porte de leurs cabanes de branchages, seuls le plus souvent, tout au plus assistés de quelques disciples aussi désarmés qu’eux-mêmes, le massacre ne présentait ni les difficultés ni les enivrements de la lutte.



(1) Lassen, Indische Alterth., t. I, p. 535. — Il est douteux que la campagne de Rama contre les Raksasas, démons noirs du sud, ait déterminé l’établissement des Arians à Lanka ou Ceylan. Le vainqueur, après avoir détrôné Ravana, donna l’empire à un des frères de ce géant et s’en retourna vers le nord. — Ramayana.

(2) Lassen, ouvr. cité, t. I, p. 578.


  1. (1) Lassen, Indische Alterth., t. I, p. 535. — Il est douteux que la campagne de Rama contre les Raksasas, démons noirs du sud, ait déterminé l’établissement des Arians à Lanka ou Ceylan. Le vainqueur, après avoir détrôné Ravana, donna l’empire à un des frères de ce géant et s’en retourna vers le nord. — Ramayana.
  2. (2) Lassen, ouvr. cité, t. I, p. 578.