Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/471

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rien de nouveau à dire ; situation toujours défavorable quand il s’agit de plaider devant les masses ; et, de même qu’il ne pouvait pas accuser ses rivaux d’impiété, puisqu’ils reconnaissaient le même panthéon que lui, sauf un dieu supérieur différent, il ne pouvait non plus se poser, comme il l’avait fait jusqu’alors, en défenseur des droits des faibles, en libéral, comme on dirait aujourd’hui ; car le libéralisme était évidemment du côté de ceux qui promettaient tout aux plus humbles, et voulaient même leur accorder le rang suprême à l’occasion. Or, si les brahmanes perdaient la fidélité de leur monde noir, quels soldats auraient-ils à opposer au tranchant des épées royales, eux qui ne pouvaient payer de leur personne ?

Comment la difficulté fut traitée, c’est ce qu’il est impossible de saisir. Ce sont choses si vieilles, qu’on les devine plutôt qu’on ne les aperçoit au milieu des décombres mutilés de l’histoire. Il est toutefois évident que, dans les deux sommes de fautes que deux partis politiques belligérants ne manquent jamais de commettre, le chiffre le plus petit revient aux brahmanes. Ils eurent aussi le mérite de ne pas s’obstiner sur des détails, et de sauver le fond en sacrifiant beaucoup du reste. À la suite de longues discussions, prêtres et guerriers se raccommodèrent, et, s’il faut en juger sur l’événement, voici quels furent les termes du traité.

Brahma partagea le rang suprême avec Vischnou. De longues années après, d’autres révolutions dont je n’ai pas à parler, car elles n’ont pas un caractère directement ethnique, leur adjoignirent Siva (1)[1], et, plus tard encore, une certaine doctrine philosophique, ayant fondu ces trois individualités divines en une trinité pourvue du caractère de la création, de la conservation et de la destruction, ramena, par ce détour, la théologie brahmanique à la primitive conception d’un dieu unique enveloppant l’univers (2)[2].



(1) Au jugement de Lassen, cette divinité est originairement empruntée à quelque culte des aborigènes noirs. Dans le sud, on l’adore sous la forme du Linga, et un brahmane n’accepte jamais d’emploi dans les temples où elle se trouve. (Indische Alterth., t. I, p. 783 et passim.)

(2) Ibid., t. I, p. 784.


  1. (1) Au jugement de Lassen, cette divinité est originairement empruntée à quelque culte des aborigènes noirs. Dans le sud, on l’adore sous la forme du Linga, et un brahmane n’accepte jamais d’emploi dans les temples où elle se trouve. (Indische Alterth., t. I, p. 783 et passim.)
  2. (2) Ibid., t. I, p. 784.