Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/486

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Que doit-on ici admirer davantage ? Est-ce la ténacité avec laquelle le brahmanisme se conserva, pendant cet énorme laps de temps, parfaitement pareil à lui-même dans ses dogmes essentiels et dans ce que son système politique avait de plus vital, sans jamais transiger sur ces deux terrains ? Est-ce, au contraire, sa condescendance à rendre hommage à la partie honorifique des idées de son adversaire et à désintéresser l’amour-propre au moment suprême de la défaite ? Je n’oserais en décider. Le brahmanisme montra, pendant cette longue contestation, ce double genre d’habileté, loué jadis avec tant de raison dans l’aristocratie anglaise, de savoir maintenir le passé en s’accommodant aux exigences du présent. Bref, il fut animé d’un véritable esprit de gouvernement, et il en reçut la récompense par le salut de la société qui était son œuvre.

Son triomphe, il le dut surtout à ce bonheur d’avoir été compact, ce qui manquait au bouddhisme. L’excellence du sang arian était aussi beaucoup plus de son côté que de celui de ses adversaires qui, recrutés principalement dans les basses castes et moins strictement attachés aux lois de séparation dont ils niaient la valeur religieuse, offraient, au point de vue ethnique, des qualités très inférieures. Le brahmanisme représentait, dans l’Inde, la juste suprématie du principe blanc, bien que très altéré, et les bouddhistes essayaient, au contraire, une protestation des rangs inférieurs. Cette révolte ne pouvait réussir tant que le type arian, malgré ses souillures, conservait encore, au moyen de son isolement, la majeure partie de ses vertus spéciales. Il ne s’ensuit pas, il est vrai, que la longue résistance des bouddhistes n’ait pas eu des résultats : loin de là. Je ne doute pas que la rentrée au sein brahmanique de nombreuses tribus de la caste sacerdotale et de kschattryas médiocrement fidèles, pendant tant de siècles, aux prescriptions ethniques, n’ait considérablement développé les germes fâcheux qui existaient déjà. Cependant la nature ariane était assez forte, et l’est encore aujourd’hui, pour maintenir debout son organisation au milieu des plus terribles épreuves que jamais peuple ait traversées.

Dès l’an 1001 de notre ère, l’Inde avait cessé d’être ce pays