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premier séjour de leurs familles. Si un pareil témoignage était repoussé, je ne sais plus sur quelle base solide pourrait compter l’histoire.

La terre de Sibérie garde donc dans ses solitudes les vénérables monuments d’une époque bien autrement ancienne que celle de Sémiramis, bien autrement majestueuse que celle de Nemrod. Ce n’est ni l’argile, ni la pierre taillée, ni le métal fondu que j’en admire. Je réfléchis que, dans une antiquité aussi haute, la civilisation que je constate touche de près aux âges géologiques, à cette époque encore troublée par les révoltes d’une nature mal soumise qui a vu la mise à sec de la grande mer intérieure dont le désert de Gobi faisait le fond. C’est vers le soixantième siècle avant J.-C. que les Chamites et les Hindous apparaissent au seuil du monde méridional. Il ne reste donc plus pour atteindre la limite que la religion et les sciences naturelles semblent imposer à l’âge du monde qu’un ou deux milliers d’années environ, et c’est pendant cette période que se développa avec une vigueur dont les preuves sont nombreuses et patentes un perfectionnement social qui ne laisse pas le moindre espace de durée à une barbarie primitive. Ce que j’ai répété plusieurs fois déjà sur la sociabilité et la dignité innées de l’espèce blanche, je crois que je viens de l’établir définitivement ici, et, en écartant, en repoussant dans un néant inexorable l’homme sauvage, le premier homme des philosophes matérialistes, celui dont le spectre constamment évoqué sert à combattre ce que les institutions sociales ont de plus respectable et de plus nécessaire, en chassant définitivement dans les kraals des Hottentots et jusqu’au fond des cabanes tongouses, et par delà encore, dans les cavernes des Pélagiens, cette misérable créature humaine qui n’est pas des nôtres, et qui se dit fille des singes, oublieuse d’une origine meilleure bien que défigurée, je ne fais autre chose que d’accepter ce que les découvertes de la science apportent de confirmation aux antiques paroles de la Genèse.

Le livre saint n’admet pas de sauvages à l’aurore du monde. Son premier homme agit et parle, non pas en vertu de caprices aveugles, non pas au gré de passions purement brutales,