Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/596

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modifié leurs essences respectives, et, partant, leurs aptitudes, état dont leurs langues rendent témoignage, le commun principe arian qui, chez eux, dominait encore sur les alliages, suffisait à leur faire envisager d’une façon analogue les principales questions de la vie sociale. C’est pourquoi les pages du vieillard d’Halicarnasse représentent si vivement cette similitude de notions et de sentiments dont ils témoignaient. C’étaient comme deux frères de fortune différente, différents par le rang social, frères pourtant par le caractère et les tendances. Le peuple arian-iranien tenait dans l’Occident la place d’aîné de la famille : il dominait le monde. Le peuple grec était le cadet, réservé à porter un jour le sceptre, et se préparant à cette grande destinée par une sorte d’isonomie vis-à-vis de la branche régnante, isonomie qui n’était pas tout à fait de l’indépendance. Quant aux autres populations renfermées sous l’horizon des deux rameaux arians, elles demeuraient, pour le premier, objets de conquête et de domination, pour le second, matière à exploiter. Il est bon de ne pas perdre de vue ce parallélisme, sans quoi l’on comprendrait peu les déplacements du pouvoir arrivés plus tard.

Certainement, je conçois qu’on se mette de la partie dans le dédain ordinaire aux esprits vigoureux et positifs pour les natures artistes plutôt vouées à recueillir des apparences qu’à saisir des réalités. Il ne faut cependant pas oublier non plus que, si les Perses et les Grecs avaient tout sujet de mésestimer le monde sémitique, devenu leur pâture, ce monde possédait le trésor entier des civilisations, des expériences de l’Occident, et les souvenirs respectables de longs siècles de travaux, de conquêtes et de gloire. Les compagnons de Cyrus, les concitoyens de Pisistrate avaient en eux-mêmes, j’en conviens, les gages d’une future rénovation de l’existence sociale ; mais ce n’était pas là une raison pour qu’on dût perdre ce que les Chamites noirs et les différentes couches de Sémites et les Égyptiens avaient de leur côté amassé de résultats. La moisson des deux groupes arians occidentaux, la moisson provenant de leur propre fonds, était encore à faire : les blés n’en étaient qu’en herbe, les épis pas encore mûrs ; tandis que les gerbes