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les bonnes lois, la bonne administration, influent d’une manière directe et puissante sur la santé d’une nation ; mais on l’est si fort, que l’on attribue à ces lois, à cette administration, le fait même de la durée d’une agrégation sociale, et c’est ici qu’on a tort.

On aurait raison, sans doute, si les peuples ne pouvaient vivre que dans l’état de bien-être ; mais nous savons bien qu’ils subsistent pendant longtemps, tout comme l’individu, en portant dans leurs flancs des affections désorganisatrices, dont les ravages éclatent souvent avec force au dehors. Si les nations devaient toujours mourir de leurs maladies, il n’en est pas qui dépasseraient les premières années de formation ; car c’est précisément alors que l’on peut leur trouver la pire administration, les plus mauvaises lois et le plus mal observées ; mais elles ont précisément ce point de dissemblance avec l’organisme humain, que, tandis que celui-ci redoute, surtout dans l’enfance, une série de fléaux à l’attaque desquels on sait d’avance qu’il ne résisterait pas, la société ne reconnaît pas de tels maux, et des preuves surabondantes sont fournies par l’histoire, qu’elle échappe sans cesse aux plus redoutables, aux plus longues, aux plus dévastatrices invasions des souffrances politiques, dont les lois mal conçues et l’administration oppressive ou négligente sont les extrêmes[1].

Essayons d’abord de préciser ce que c’est qu’un mauvais gouvernement.

Les variétés de ce mal paraissent assez nombreuses ; il serait même impossible de les compter toutes ; elles se multiplient à l’infini suivant la constitution des peuples, les lieux, les temps. Toutefois, en les groupant sous quatre catégories principales, peu de variétés échapperont.

Un gouvernement est mauvais lorsqu’il est imposé par l’influence étrangère. Athènes a connu ce gouvernement sous les Trente Tyrans ; elle s’en est débarrassée, et l’esprit national,

  1. On comprend assez qu'il ne s'agit pas ici de l'existence politique d'un centre de souveraineté, mais de la vie d'une société entière, de la perpétuité d'une civilisation. C'est ici le lieu d'appliquer la distinction indiquée plus haut, p. 11.