Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 1.djvu/73

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inventer de nouvelles classifications, multiplier les rangs, rendre presque impossible de se reconnaître au milieu de subdivisions variant à l’infini, changeant de province à province, de canton à canton, de village à village  ; faire enfin ce qui a lieu dans les pays hindous. Mais il n’est guère que le brahmane qui ses ait montré autant de ténacité dans ses idées séparatrices ; les peuples civilisés par lui, en dehors de son sein, n’ont jamais adopté, ou du moins ont rejeté depuis longtemps, des entraves gênantes. Dans tous les États avancés en culture intellectuelle, on ne s’est pas même arrêté un instant aux ressources désespérées que le désir de concilier les prescriptions du code de Manou avec le courant irrésistible des choses inspira aux législateurs de l’Aryavarta, Partout ailleurs, les castes, lorsqu’il y en a eu réellement, ont cessé d’exister au moment où le pouvoir de faire fortune, de s’illustrer par des découvertes utiles ou des talents agréables, a été acquis à tout le monde, sans distinction d’origine. Mais aussi, à dater du même jour, la nation primitivement conquérante, agissante, civilisatrice, a commencé à disparaître : son sang était immergé dans celui de tous les affluents qu’elle avait détournés vers elle.

Le plus souvent, en outre, les peuples dominateurs ont commencé par être infiniment moins nombreux que leurs vaincus, et il semble, d’autre part, que certaines races qui servent de base à la population de contrées fort étendues, soient singulièrement prolifiques ; je citerai les Celtes, les Slaves. Raison de plus pour que les races maîtresses disparaissent rapidement. Encore un autre motif, c’est que leur activité plus grande, le rôle plus direct qu’elles jouent dans les affaires de leur État, les exposent particulièrement aux funestes résultats des batailles, des proscriptions et des révoltes. Ainsi, tandis que, d’une part, elles amassent autour d’elles, par le fait même de leur génie civilisateur, des éléments divers où elles doivent s’absorber, elles sont encore victimes d’une cause première, leur petit nombre originel, et d’une foule de causes secondes, qui toutes concourent à les détruire.

Il est assez évident de soi que la disparition de la race victorieuse est soumise, suivant les différents milieux, à des conditions