mettre le pied, ils apprirent à ces vastes contrées à connaître leurs noms nouveaux de Ligures et de Sicules. Puis, confondus avec des aborigènes de diverses peuplades (1)[1], ils semèrent au loin un élément ou plutôt une combinaison ethnique destinée à jouer un rôle considérable dans l’avenir. Sous plus d’un rapport, ils ajoutaient un lien de plus à ceux qui unissaient déjà les Italiotes aux populations transalpines.
Ce que leur présence occasionna surtout, ce furent de terribles commotions dont toutes les parties de la Péninsule éprouvèrent le contre-coup. Les Étrusques, repoussés sur les provinces umbriques, y subirent des mélanges qui probablement ne furent par les premiers. Beaucoup de Sabelliens ou de Sabins, beaucoup d’Ausoniens eurent le même sort, et le sang ligure lui-même s’infiltra partout d’autant plus avant que la masse de cette nation immigrante, établie principalement dans la campagne de Rome (2)[2], ne put jamais se créer une patrie suffisamment vaste. Elle n’eut pas la force de prévaloir contre toutes les résistances qui lui étaient opposées. Elle se contenta de vivre, à l’état flottant dans les contrées où les aborigènes, comme les Étrusques, surent se maintenir ; de sorte que les Ligures, intrus et tolérés en plus d’un lieu, ne purent que s’y confondre avec la plèbe (3)[3].
Tandis qu’ils supportaient ainsi les conséquences de leur origine, en se voyant forcés, tout envahisseurs qu’ils étaient, de rester au rang d’égaux, parfois d’inférieurs vis-à-vis des nations dont ils venaient troubler les rapports, une autre révolution s’opérait, mais presque en silence, à l’autre extrémité, à la pointe méridionale de la Péninsule. Vers le Xe siècle avant Jésus-Christ, des Hellènes, déjà sémitisés, commençaient à y établir des colonies, et, bien que formant, comparés aux masses ligures ou sicules, un contraste marqué par leur petit nombre, on les voyait déployer sur celles-ci et sur les aborigènes une telle supériorité de civilisation et de ressources, que la
(1) O. Muller, die Etrusker, p. 16.
(2) Ibid., p. 10.
(3) Ibid., p. 11 et pass.