Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/220

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mais toujours entachée de ce vice originel, de cette fragilité implacable, qui constituait en Grèce le premier châtiment de la tyrannie. Pendant longtemps, il est vrai, la prédominance que toutes les cités étrusques s’accordaient à laisser à Tarquinii sembla corriger ce que cette constitution fédérative avait de bien débile. Mais une déférence si salutaire n’est jamais éternelle – en butte à mille accidents, elle périt au premier choc. Les peuples gardent plus longtemps le respect pour une dynastie, pour un homme, pour un nom que pour une enceinte de murailles. On le voit donc, les Tyrrhéniens avaient implanté en Italie quelque chose des vices inhérents aux gouvernements républicains du monde sémitique. Néanmoins, comme ils n’eurent pas l’influence de modeler complètement l’esprit de leurs populations sur ce type dangereux, ils ne purent détruire une aptitude finnoise que j’ai déjà eu l’occasion de relever : les Étrusques professaient pour la personne des chefs et des magistrats un respect tout à fait illimité (1)[1].

Ni chez les Arians, ni chez les Sémites, il ne se rencontra jamais rien de semblable. Dans l’Asie antérieure, on vénère à l’excès, on idolâtre, pour ainsi dire, la puissance ; on se tient prêt à en supporter tous les caprices comme des calamités légitimes. Que le maître s’appelle roi ou patrie, on adore en lui jusqu’à sa démence. C’est qu’on redoute la possibilité de la contrainte, et qu’on se prosterne devant le principe abstrait de la souveraineté absolue. Quant à la personne revêtue du pouvoir et des prérogatives du principe, on n’en fait nul cas. C’est une notion commune aux nations serviles et aux démagogies que de considérer le magistrat comme un simple dépositaire de l’autorité qui, du jour où, par cessation régulière ou bien par dépossession violente, il est jeté hors de sa charge, n’est pas plus respectable que le dernier des hommes, et n’a pas plus de droits à la déférence. De ce sentiment naissent le proverbe oriental qui accorde tout au sultan vivant, rien au sultan mort, et encore cet axiome, cher aux révolutionnaires modernes, en vertu duquel on prétend honorer le magistrat

  1. (1) O. Muller, die Etrusker, p. 375.