Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/239

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tourmente toutes les têtes, c’est une passion qui tend chez les ambitieux, patriciens ou plébéiens, à s’emparer de la loi pour lui donner une forme régulatrice conséquente à telle et telle notion de l’utile ; mais on n’a pas le spectacle répugnant, si constamment étalé sur les places publiques d’Athènes, d’un peuple se ruant en forcené dans les horreurs de l’anarchie avec une sorte de conscience de cette tendance abominable. Ces Romains sont honnêtes, ce sont des hommes ; ils comprennent souvent mal le bien et donnent à gauche, mais au moins est-il évident qu’ils croient alors marcher à droite. Ils ne manquent ni de désintéressement ni de loyauté (1)[1]. Examinons la question dans le détail.

Les patriciens se supposent un droit natif à gouverner l’État exclusivement.

Ils ont tort. Les Étrusques pouvaient réclamer cette prérogative ; les Sabins, non, car il n’y a pas de leur côté de supériorité ethnique bien clairement prouvée sur les autres Italiotes qui les entourent et qui sont devenus leurs nationaux. Tout au plus, les Fabiens, les grandes familles possèdent-elles un degré de pureté de plus que la plèbe. En le concédant, on ne peut encore supposer ce mérite assez tranché pour conférer le pouvoir du civilisateur sur le peuple vaincu et dominé (2)[2]. Il



(1) Voir dans Tite-Live la violente insurrection apaisée par les consuls P. Servilius et Ap. Claudius, et l’affaire du mont Sacré. (Liv., I.)

(2) Dès le temps des rois, il y avait eu des modifications très importantes dans la constitution ethnique du patriciat. Tarquin l’Ancien y avait appelé tout l’ordre équestre en masse. (Niebuhr, Rœm. Geschichte, t. I, p. 239.) De sorte qu’aux premiers jours de la république, les plébéiens étaient fondés à se considérer comme du même sang ou d’un sang égal en valeur à celui de leurs gouvernants. Bien mieux, beaucoup de familles plébéiennes rivalisaient de noblesse reconnue avec les plus fières maisons sénatoriales, et formaient, réunies à l’ordre équestre, une classe en réalité aristocratique, avide de saisir les emplois, et toutefois forcée de faire cause commune avec la plèbe. (Ibid., t. I, p. 375.) Beaucoup de maisons plébéiennes, comme les Marciens, les Mamiliens, les Papiens, les Cilniens, les Marruciniens, se trouvaient dans les mêmes rapports vis-à-vis du patriciat où furent à Venise, dans les temps modernes, les nobles de terre ferme vis-à-vis des nobles de Saint-Marc.

  1. (1) Voir dans Tite-Live la violente insurrection apaisée par les consuls P. Servilius et Ap. Claudius, et l’affaire du mont Sacré. (Liv., I.)
  2. (2) Dès le temps des rois, il y avait eu des modifications très importantes dans la constitution ethnique du patriciat. Tarquin l’Ancien y avait appelé tout l’ordre équestre en masse. (Niebuhr, Rœm. Geschichte, t. I, p. 239.) De sorte qu’aux premiers jours de la république, les plébéiens étaient fondés à se considérer comme du même sang ou d’un sang égal en valeur à celui de leurs gouvernants. Bien mieux, beaucoup de familles plébéiennes rivalisaient de noblesse reconnue avec les plus fières maisons sénatoriales, et formaient, réunies à l’ordre équestre, une classe en réalité aristocratique, avide de saisir les emplois, et toutefois forcée de faire cause commune avec la plèbe. (Ibid., t. I, p. 375.) Beaucoup de maisons plébéiennes, comme les Marciens, les Mamiliens, les Papiens, les Cilniens, les Marruciniens, se trouvaient dans les mêmes rapports vis-à-vis du patriciat où furent à Venise, dans les temps modernes, les nobles de terre ferme vis-à-vis des nobles de Saint-Marc.