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défendait si maigrement la cause publique contre les audaces emportées des factions. Sylla réussit donc à entraver la course qui entraînait Rome vers d’incessantes transformations. Peut-être, sans lui, l’époque qui s’écoula jusqu’à la mort de César n’aurait-elle été qu’un enchaînement bien plus lamentable encore de proscriptions et de brigandages, qu’une lutte perpétuelle entre des Antoines et des Lépides prématurés, écrasés dans l’œuf par sa farouche intervention.

Voilà la part à lui faire ; mais il est incontestable que le plus terrible génie ne peut arrêter bien longtemps l’action des lois naturelles, pas plus que les travaux de l’homme ne sauraient empêcher le Gange de faire et de défaire les îles éphémères dont ce fleuve peuple son lit spacieux[1].

Il s’agit maintenant de contempler Rome avec la nouvelle nationalité que les alluvions ethniques lui ont donnée. Voyons ce qu’elle devint quand un sang de plus en plus mêlé lui eut imprimé avec un nouveau caractère une nouvelle direction.


CHAPITRE VII.

Rome sémitique.

Depuis la conquête de la Sicile jusqu’assez avant dans les temps chrétiens, l’Italie n’a pas cessé de recevoir de nombreux, d’innombrables apports de l’élément sémitique, de telle façon que le sud entier fut hellénisé et que le courant des races asiatiques remontant vers le nord ne s’arrêta que devant les invasions germaniques[2]. Mais le mouvement de recul, le

  1. Niebuhr s’indigne contre les écrivains modernes qui, prétendant signaler, au VIIe siècle de Rome, l’existence de factions patriciennes dans cet État, oublient ou ignorent que Sylla fut la dernière expression légitime de cet ordre d’idées. (Niebuhr, Rœm. Geschichte, t. I, p. 375.)
  2. Les dernières immigrations hellénistiques dans le royaume de Naples, la Sicile, la basse Italie sont byzantines et arabes. En 1461, 1532 et 1744, il vint encore des Albanais en Sicile et en Calabre.