Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/258

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

point où s’arrêtèrent les alluvions du sud dépassa Rome. Cette ville alla toujours perdant son caractère primitif. Il y eut gradation sans doute dans cette déchéance, jamais temps d’arrêt véritable. L’esprit sémitique étouffa sans rémission son rival. Le génie romain devint étranger au premier instinct italiote, et reçut une valeur où l’on reconnaît bien aisément l’influence asiatique.

Je ne mets pas au nombre des moins significatives manifestations de cet esprit importé la naissance d’une littérature marquée d’un sceau particulier, et qui mentait à l’instinct italiote déjà par cela seul qu’elle existait.

Ni les Étrusques, je l’ai dit, ni aucune tribu de la Péninsule, pas plus que les Galls, n’avaient eu de véritable littérature ; car on ne saurait appeler ainsi des rituels, des traités de divination, quelques chants épiques servant à conserver les souvenirs de l’histoire, des catalogues de faits, des satires, des farces triviales dont la malignité des Fescennins et des Atellans amusaient les rires des désœuvrés. Toutes ces nations utilitaires, capables de comprendre au point de vue social et politique le mérite de la poésie, n’y avaient pas de tendance naturelle, et, tant qu’elles n’étaient pas fortement modifiées par des mélanges sémitiques, elles manquaient des facultés nécessaires pour rien acquérir dans ce genre (1)[1]. Ainsi ce ne fut que lorsque le sang hellénistique domina les anciens alliages dans les veines des Latins, que la plèbe la plus vile, ou de la bourgeoisie la plus humble, exposées surtout à l’action des apports sémitisés, sortirent les plus beaux génies qui ont fait



Naples, la Sicile, la basse Italie sont byzantines et arabes. En 1461, 1532 et 1744, il vint encore des Albanais en Sicile et en Calabre.

(1) Dyon. Halicarn., Antiq. Rom., 1, LXXIII : Παλαιὸς μὲν οὖν οὔτε συγγραφεὺς οὔτε λογογράφος ἐστὶ Ῥωμαίων οὐδὲ εἷς. ἐκ παλαιῶν μέντοι λόγων ἐν ἱεραῖς δέλτοις σωζομένων, ἕκαστός τις παραλαβὼν ἀνέγραψε. — Sans me faire le champion de la confiance vaniteuse d’Ennius dans son propre mérite, je suis tout disposé à croire avec lui qu’avant le temps où il se mit à écrire, en cherchant l’imitation des chefs-d’œuvre grecs, il y avait des chants, mais pas de poésie dans le Latium : « Quum neque Musarum scopulos quisquam superarat, nec dicti studiosus erat. »


  1. (1) Dyon. Halicarn., Antiq. Rom., 1, LXXIII : Παλαιὸς μὲν οὖν οὔτε συγγραφεὺς οὔτε λογογράφος ἐστὶ Ῥωμαίων οὐδὲ εἷς. ἐκ παλαιῶν μέντοι λόγων ἐν ἱεραῖς δέλτοις σωζομένων, ἕκαστός τις παραλαβὼν ἀνέγραψε. — Sans me faire le champion de la confiance vaniteuse d’Ennius dans son propre mérite, je suis tout disposé à croire avec lui qu’avant le temps où il se mit à écrire, en cherchant l’imitation des chefs-d’œuvre grecs, il y avait des chants, mais pas de poésie dans le Latium : « Quum neque Musarum scopulos quisquam superarat, nec dicti studiosus erat. »