Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/309

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Quand enfin les nations gothiques vinrent en corps exercer un pouvoir qui, depuis des siècles, appartenait à leurs compatriotes, à leurs enfants mal romanisés, furent-elles coupables d’une révolution inique ? Non ; elles saisirent avec justice les fruits mûris par leurs soins, conservés par leurs labeurs, et que l’abâtardissement des races romaines laissait par trop corrompre. La prise de possession des Germains fut l’œuvre légitime d’une nécessité favorable. Depuis longtemps la démocratie énervée ne subsistait que grâce à la délégation perpétuelle du pouvoir absolu aux mains des soldats. Cet arrangement avait fini par ne plus suffire, l’abaissement général était devenu trop grand. Dieu alors, pour sauver l’Église et la civilisation, donna au monde ancien, non plus une troupe, mais des nations de tuteurs. Ces races nouvelles, le soutenant et le pétrissant de leurs larges mains, lui firent subir avec plein succès le rajeunissement d’Eson. Rien de plus glorieux dans les annales humaines que le rôle des peuples du Nord ; mais, avant de le caractériser avec l’exactitude qu’il exige, avant de montrer combien on a eu tort de clore la société romaine au jour des grandes invasions, puisqu’elle vécut encore longtemps après sous l’égide des envahisseurs, il convient de faire un temps d’arrêt et de rechercher une dernière fois ce que la réunion des anciens éléments ethniques du monde occidental, dans le vaste bassin de la romanité, avait, en définitive, offert de neuf à l’univers. On doit donc se demander si le colon romain avait su remanier de telle sorte ce que lui avaient légué les civilisations précédentes, qu’il en ait fait sortir des principes inconnus jusqu’à lui, et constituant ce qu’on aurait droit d’appeler une civilisation romaine.

La question posée, qu’on entre dans les champs d’observation



esclaves. Schaffarik (t. I, p. 261, note 1) les considère comme descendus originairement des Lettes, Lettons ou Lithuaniens. Le mot allemand, Leute, auquel M. Aug. Thierry rapporte cette étymologie, n'en serait que le dérivé. On disait læti Franci, læti Batavi, læti Suevi, etc., probablement pour indiquer l’origine de ces différents lètes. (Guérard, Polyptique d’Irminon, t. I, p. 251. — Revue des Deux-Mondes, 1er mars 1852, p. 934 et 948.)