Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle ouvre aussitôt, vastes champs, démesurés comme les territoires ajoutés les uns aux autres qu’elle fait parcourir aux yeux. Tous sont déserts. Rome, n’ayant jamais eu de race originale, n’a jamais élaboré non plus une pensée qui le fût. L’Assyrie avait une empreinte particulière ; l’Égypte, la Grèce, l’Inde et la Chine de même. Les Perses avaient jadis dévoilé des principes aux regards des populations maîtrisées par leur glaive. Les Celtes, les aborigènes italiotes, les Étrusques possédèrent également leur patrimoine, à la vérité peu brillant, peu digne d’exciter l’admiration, mais réel, mais solide, mais positif et bien caractérisé.

Rome attira à elle un peu, un coin, un lambeau de toutes ces créations, à des moments où elles étaient déjà vieillies, salies, usées, à peu près hors de service. Dans ses murs, elle installa, non pas un atelier de civilisation où, d’un génie supérieur, elle ait jamais travaillé des œuvres frappées d’un cachet qui lui fût propre, mais un magasin d’oripeaux où elle entassa sans choix tout ce qu’elle déroba sans peine à l’impuissante vieillesse des nations de son temps. Imposante comme la fit la faiblesse de ses entours, elle ne le fut jamais assez pour combiner quoi que ce soit de général, ne fût-ce qu’un compromis étendu partout et à tout. Elle ne l’essaya même pas. Dans les localités diverses, elle laissa la religion, les mœurs, les lois, les constitutions politiques, à peu près comme elle les avait trouvées, se contentant d’énerver ce qui aurait pu gêner le contrôle dominateur que la nécessité la portait à se réserver.

Conduite par ce modèle unique, il lui fallut cependant déroger parfois plus gravement à ses habitudes d’inerte tolérance.

L’étendue de ses possessions constituait un fait qui, à lui seul, créait une situation et des obligations nouvelles. Ce fut donc sur ce terrain que, bon gré, mal gré, elle eut à montrer son savoir-faire. Il fut petit. Elle inventa très peu ; elle agit à la façon du jardinier qui taille les orangers et les buis de manière à leur faire prendre certaines formes, sans s’inquiéter autrement des lois naturelles qui dirigent la croissance de ces arbres.

L’action particulière de Rome se renferma dans l’administration