Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/312

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donnée est des plus antipathiques aux tendances naturelles de l’Église, et elle l’a témoigné par la manière dont elle a réformé le droit romain, en en faisant le droit canonique.

Rome, étrangère dans ses propres murs, ne put, dès son origine, jamais avoir que des lois empruntées. Dans sa toute première période, sa législation était modelée sur celle du Latium, et, lorsque les Douze Tables furent instituées pour répondre aux vues d’une population déjà composite, on y conserva quelques stipulations anciennes en les soutenant par une dose suffisante d’articles choisis dans les codes de la Grande-Grèce. Mais ce n’était pas encore satisfaire aux besoins d’une nation qui changeait à tout moment de nature et, par conséquent, de visées. Les immigrants abondant dans la Ville ne voulaient pas de cette compilation des décemvirs, étrangère en tour ou en partie à leurs idées nationales de justice. Les anciens habitants, qui, de leur côté, ne pouvaient modifier leur loi avec la même rapidité que leur sang, instituèrent un magistrat spécial chargé de régler les conflits entre les étrangers et les Romains, et les étrangers entre eux. Ce magistrat, le prætor peregrinus, eut pour obligation distinctive de prendre sa jurisprudence en dehors des dispositions des Douze Tables.

Quelques auteurs, trompés par la faveur dont jouissait, aux derniers temps de la république, la qualité de citoyen romain parmi les populations soumises, ont cru que cette préoccupation avait toujours existé, et ils l’ont supposée à tort pour les époques antérieures. C’est une faute grave. La concession du droit latin ou italiote n’était pas, à l’origine, une marque d’infériorité laissée par le sénat à ses vaincus. C’était, tout au contraire, un acte dicté par une prudente réserve vis-à-vis de peuples qui voulaient bien se soumettre à la suprématie politique des Romains, mais non pas à leur système juridique. Ces nations tenaient à leurs coutumes. On les leur laissa, et le prætor peregrinus, qui devait juger ceux de leurs citoyens domiciliés dans la Ville, n’eut pas pour mission, en laissant de côté la loi locale, de chercher dans son imagination un idéal fantastique d’équité, mais d’appliquer de son mieux ce qu’il connaissait des principes de la justice positive en usage chez les