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Un honnête homme romain, je l’ai dit en plus d’un lieu, n’était pas, très certainement, un phénix introuvable (1)[1]. Dans toutes les situations sociales, on rencontrait en abondance, au déclin de l’empire, de beaux et nobles caractères naturellement portés au bien et ne demandant pas mieux que de le faire. Mais l’honnête homme, dans toute société, se dirige en vue de l’idéal particulier créé par la civilisation au centre de laquelle il se trouve. Le vertueux Hindou, le Chinois intègre, l’Athénien de bonnes mœurs, sont des types qui se ressemblent surtout dans leur volonté commune de bien agir, et, de même que les différentes classes, les différentes professions, ont des devoirs spéciaux qui souvent s’excluent, de même la créature humaine est partout dominée, suivant les milieux qu’elle occupe, par une théorie préexistante au sujet des perfections dignes d’être recherchées. Le monde romain subissait cette loi comme les autres ; il avait, comme eux, son idéal du bien. Scrutons-le, et voyons s’il contenait ce principe nouveau que nous poursuivons, et qui jusqu’à ce moment nous a toujours échappé.

Hélas ! il en est ici de même que lorsqu’il s’est agi de la législation ; on n’aperçoit que des doctrines empruntées et écourtées. Tout ainsi que la philosophie venait en grande partie des Grecs, et n’abonda plus particulièrement vers le stoïcisme, dogme, en définitive, malgré ses beaux semblants, grossier et stérile, que sous l’influence du sang celtique-italiote, de même les vertus sabines, graduellement sémitisées, ne recelèrent rien que de très connu des premières races européennes. Le plus honnête homme et le plus doux ne croyait pas mal faire en exposant sa progéniture. Il eût estimé duperie et démence de pratiquer ou seulement de ressentir ces beaux mouvements d’abnégation qui font la base de la morale germanique et chevaleresque, et dont le christianisme tira si grand parti. J’ai beau regarder, je ne vois pas se développer dans la société romaine un seul sentiment, une seule idée morale dont je ne puisse retrouver l’origine, soit dans l’ancienne rudesse des

  1. (1) Voir tome 1er.