Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/414

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brillants succès chez les barbares de l’Algérie : triste comparaison pour les populations celtiques.

Mais ces gens si aisés à subjuguer devinrent immédiatement d’irrésistibles instruments de compression aux mains des empereurs. Ou les avait vus dans leurs cités, patriciens arrogants ou démocrates envieux, passer la majeure partie de leur vie dans la sédition ; ils furent à Rome du dévouement le plus utile au principal. Acceptant pour eux-mêmes le joug et l’aiguillon, ils servirent à y façonner les autres, ne sollicitant en retour de leur complaisance que les honneurs soldatesques et les émotions de la caserne. On leur prodigua ces biens par surcroît.

César avait composé sa garde de Gaulois. Il lui avait donné malicieusement le plus joli emblème de la légèreté et de l’insouciance, et les légionnaires kymris de l’Alauda, qui étalaient si fièrement sur leurs casques et sur leurs boucliers la figure de l’alouette, s’accordèrent avec tous leurs concitoyens pour chérir le grand homme qui les avait débarrassés de leur isonomie et leur faisait une existence si conforme à leurs goûts.

Ils étaient donc fort satisfaits ; mais ce ne serait pas rendre justice aux Gaulois que de supposer qu’ils aient été constants et inébranlables dans leur amour de l’autorité romaine. Maintes fois ils se révoltèrent, mais toujours pour revenir à l’obéissance, sous la pression d’une inexorable impossibilité de s’entendre. L’habitude d’être gouvernés par un maître ne leur apprit jamais le respect d’une loi. S’insurger, pour eux, c’était la moindre des difficultés et peut-être le plus vif des plaisirs. Mais aussitôt qu’il s’agissait d’organiser un gouvernement national à la place du pouvoir étranger que l’on venait de briser, aussitôt qu’il s’agissait de revenir à une règle quelconque et d’obéir à quelqu’un, l’idée que la prérogative souveraine allait appartenir à un Gaulois glaçait tous les esprits. Il eût semblé que c’était pourtant là le véritable but de l’insurrection ; mais non, les combinaisons les plus ingénieuses s’efforçaient en vain de tourner ce terrible écueil ; toutes s’y brisaient. Les assemblées, les conseils discutaient la question avec furie, et se séparaient tumultueusement sans réussir à passer outre. Alors