Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/428

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s’abattirent comme une nuée de faucons sur le Languedoc et l’Espagne du nord, puis laissèrent les Romains parfaitement libres de les chasser, s’ils pouvaient.

Ceux-ci n’eurent garde d’essayer. La manière dont les Visigoths venaient de s’installer était un peu irrégulière ; mais une patente impériale ne tarda pas à réparer le mal, et de ce moment les nouveaux venus furent aussi légitimement établis sur les terres qu’ils avaient prises que les autres sujets dans les leurs. Les Franks et les Burgondes n’avaient pas attendu ce bon exemple pour se donner d’abord, se faire concéder ensuite des avantages pareils  ; de sorte que vingt nations du nord, outre les anciennes tribus gardes-frontières, disparues sous cette épaisse alluvion, se virent dès lors acceptées et adoptées par les matricules militaires sur tout le territoire européen. Leurs chefs étaient consuls et patrices. On eut le patrice Théodorik et le patrice Khlodowig (1)[1].

Maîtres absolus de tout, les Germains établis dans l’empire pouvaient désormais tout faire, assurés que leurs caprices seraient des lois irrésistibles. Deux partis s’offraient à eux : ou bien rompre avec les habitudes et les traditions conservées par leurs devanciers de même sang  ; abolir la cohésion des territoires, et former de tous ces débris un certain nombre de souverainetés distinctes, libres de se constituer suivant les convenances de l’âge qui commençait ; ou bien rester fidèles à l’œuvre consacrée par les soins de tant d’empereurs issus de la race nouvelle, mais en modifiant cette œuvre par un certain appoint d’anomalies devenues indispensables.

Dans ce dernier système, l’organisation d’Honorius restait sauve quant à l’essentiel. La romanité, c’est-à-dire, suivant la ferme conviction des temps, la civilisation, poursuivait son cours.

Les barbares reculèrent devant l’idée de nuire à une chose si nécessaire ; ils persistèrent dans le rôle conservateur, adopté

(1) Ces deux chefs devaient leurs titres romains à l’empereur Anastase, qui de fait n’était rien en Occident ; mais on verra tout à l’heure par quelle fiction les rois barbares tenaient à le considérer comme empereur national.


  1. (1) Ces deux chefs devaient leurs titres romains à l’empereur Anastase, qui de fait n’était rien en Occident ; mais on verra tout à l’heure par quelle fiction les rois barbares tenaient à le considérer comme empereur national.