Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/471

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métairies isolées, le maintien solide des franchises de l’homme libre, l’influence soutenue des conseils représentatifs, ce furent là autant de traits par lesquels l’esprit arian se donna à reconnaître et témoigna de sa persistance, tandis que des phénomènes d’une nature tout opposée, l’augmentation du nombre des villes, l’indifférence croissante pour la participation aux affaires générales, la diminution du nombre des hommes absolument libres marquaient sur le continent les progrès d’un ordre d’idées d’une tout autre nature.

Il n’est pas étonnant que l’aspect assez digne du ceorl anglo-saxon, qui fut plus tard le yeoman, ait plu à la pensée de plusieurs historiens modernes, heureux de le voir libre dans sa vie rustique à une époque où ses analogues du continent, le karl, l’ariman, le bonus homo, avaient contracté des obligations souvent fort dures et perdu presque toute ressemblance avec lui. Mais, en se plaçant au point de vue de ces écrivains, il faut, pour être tout à fait juste, considérer aussi ce qui doit constituer pour eux le mauvais côté de la question. L’organisation des classes moyennes, sous les rois saxons comme sous les premiers dynastes normands, n’étant que le résultat d’un concours de circonstances ethniques parachevé, ne prêtait à aucune espèce de perfectionnement (1)[1]. La société anglaise d’alors, avec ses avantages, avec ses inconvénients, présentait un tout complet qui n’était susceptible que de décadence. L’existence individuelle n’y était ni sans noblesse ni sans richesse incontestablement ; mais l’absence presque totale de l’élément romanisé la laissait sans éclat et l’éloignait de ce que nous appelons notre civilisation. A mesure que les alliages divers de la population se fondaient davantage, les éléments


ni assez fortement constituées pour résister à l’influence hostile du milieu où elles se trouvaient placées. Peu à peu leurs institutions romaines se germanisèrent, et dès lors la vie agricole, les envahissant, tendit à dissoudre leurs bourgeoisies, ou du moins à les transformer.

(1) Et elle n’était pas très relevée. Les gens de la suite du roi, et que l’on nommait en Gaule, sous les Mérowings, les antrustions, n’étaient pas autorisés à posséder des alods. Leurs armes même devaient, à leur mort revenir au chef. (Kemble, ouvr. cité, t. I. p. 149.)


  1. (1) Et elle n’était pas très relevée. Les gens de la suite du roi, et que l’on nommait en Gaule, sous les Mérowings, les antrustions, n’étaient pas autorisés à posséder des alods. Leurs armes même devaient, à leur mort revenir au chef. (Kemble, ouvr. cité, t. I. p. 149.)