Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/478

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s’est subdivisé  ; il a cessé de se faire en commun sur toute l’étendue du territoire Impérial. Des amalgames rudimentaires se sont empressés de se détacher partout de la grande masse ; ils s’enferment dans des limites incertaines, ils imaginent des nationalités approximatives ; la grande agglomération se fend de toutes parts ; la fusion dénature les éléments divers qui bouillonnent dans son sein.

Est-ce là un spectacle nouveau pour le lecteur de ce livre ? En aucune façon ; mais c’est un spectacle plus complet de ce qui lui fut déjà montré. L’immersion des races fortes au sein des sociétés antiques s’est opérée à des époques tellement lointaines et dans des régions si éloignées des nôtres, que nous n’en suivons les phases qu’avec diffficulté. A peine quelquefois en pouvons-nous saisir plus que les catastrophes finales à de telles distances et de temps et de lieux, multipliées par les grands contrastes d’habitudes intellectuelles existant entre nous et les autres groupes. L’histoire, que soutient mal une chronologie imparfaite, et que souvent déguisent des formes mythiques, l’histoire, qui, dénaturée par des traducteurs intermédiaires aussi étrangers à la nation mise en jeu qu’à nous-mêmes, l’histoire, dis-je, reproduit bien moins les faits que leurs images. Encore ces images nous arrivent-elles par une succession de miroirs réfracteurs dont il est quelquefois difficile de rectifier les raccourcis.

Mais lorsqu’il s’agit de la civilisation qui nous touche, quelle différence ! Ce sont nos pères qui racontent, et qui racontent comme nous le ferions nous-mêmes. Pour lire leurs récits, nous nous asseyons à la place même où ils écrivirent ; nous n’avons qu’à lever les yeux, et nous contemplons le théâtre entier des événements qu’ils ont décrits. Il nous est d’autant plus facile de bien comprendre ce qu’ils nous disent et de deviner ce qu’ils nous taisent, que nous sommes nous-mêmes les résultats de leurs œuvres ; et, si nous éprouvons un embarras à nous rendre un compte exact et vrai de l’ensemble de leur action, à en suivre les développements, à en éprouver la logique, à en démêler exactement les conséquences, bien loin que nous en puissions accuser la pénurie des renseignements,