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s’attribuer les femmes (1)[1]. Il résulta de cette habitude, chez ces derniers, un accident linguistique assez bizarre. Ces nouvelles compatriotes, important leurs langages dans leurs tribus d’adoption, y formèrent, au sein de l’idiome national, une partie féminine qui ne fut jamais à l’usage de leurs maris (2)[2].

Tant de mélanges, venant s’ajouter incessamment à un fond déjà métis, ont amené la plus grande anarchie ethnique. Si l’on considère de plus que les mieux doués des groupes américains, ceux dont l’élément jaune fondamental est le plus chargé d’apports mélaniens, ne sont cependant et ne peuvent être qu’assez humblement placés sur l’échelle de l’humanité, on comprendra encore mieux que leur faiblesse n’est pas de la jeunesse, mais bien de la décrépitude, et qu’il n’y a jamais eu la moindre possibilité pour eux d’opposer une résistance quelconque aux attaques venues de l’Europe.

Il semblera étrange que ces tribus échappent à la loi ordinaire qui porte les nations, même celles qui sont déjà métisses, à répugner aux mélanges, loi qui s’exerce avec d’autant plus de force que les familles sont composées d’éléments ethniques grossiers. Mais l’excès de la confusion détruit cette loi chez les groupes les plus vils comme chez les plus nobles ; on en a vu bien des exemples ; et, quand on considère le nombre illimité d’alliages que toutes les peuplades américaines ont subis, il ny a pas lieu de s’étonner de l’avidité avec laquelle les femmes guaranis du Brésil recherchent les embrassements du nègre. C’est précisément l’absence de tout sentiment sporadique dans les rapports sexuels qui démontre le plus complètement à quel bas degré les familles du nouveau monde sont descendues en fait de dépravation ethnique, et qui donne les plus puissantes raisons d’admettre que le début de cet état de choses remonte à une époque excessivement éloignée (3)[3].

(1) D’Orbigny, ouvr. cité, t. I, p. 153. — Dans le Sud, les femmes sont vendues si cher par leurs parents, que les jeunes gens, procédant avec économie, préfèrent s’en procurer le casse-tête au poing. (Ibid.)

(2) D’Orbigny, Ibid.

(3) Martius u. Spix. ouvr. cité, t. III, p. 905. — Ces voyageurs vont


  1. (1) D’Orbigny, ouvr. cité, t. I, p. 153. — Dans le Sud, les femmes sont vendues si cher par leurs parents, que les jeunes gens, procédant avec économie, préfèrent s’en procurer le casse-tête au poing. (Ibid.)
  2. (2) D’Orbigny, Ibid.
  3. (3) Martius u. Spix. ouvr. cité, t. III, p. 905. — Ces voyageurs vont jusqu’à affirmer que, dans la province du Para, il n’est peut-être pas une seule famille indienne qui ait laissé passer quelques générations sans se croiser, soit avec des blancs, soit avec des noirs.