Page:Gobineau Essai inegalite races 1884 Vol 2.djvu/536

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à expliquer. La plupart des familles qui se sont les premières établies, tant au Canada qu’aux Antilles, appartenaient aux provinces de Bretagne ou de Normandie. Une affinité existait, pour la partie gallique de leur origine, avec les tribus malaises très jaunes du Canada, tandis que tout leur naturel répugnait à contracter alliance avec l’espèce noire sur les terrains où ils se trouvaient rapprochés d’elle, bien différents en cela, comme on l’a vu, des colons espagnols, qui, dans l’Amérique du Sud, l’Amérique centrale, le Mexique, se trouvent aujourd’hui, grâce aux mélanges de toute nature qu’ils ont aisément acceptés, dans des conditions de concordances fâcheuses avec les groupes indigènes qui les entourent.

Il y aurait assurément injustice à prétendre que le citoyen de la république mexicaine, ou le général improvisé qui apparaît à chaque instant dans la confédération argentine, soient sur le même plan que le Botoendo anthropophage ; mais on ne saurait nier non plus que la distance qui sépare ces deux termes de la proposition n’est pas indéfinie, et que, sous bien des aspects, le cousinage se laisse découvrir. Tout ce monde indien habitant les forêts, chercheur d’or, à demi blanc, militaire de hasard, mulâtre à moitié indigène ; tout ce monde, depuis le président de l’État jusqu’au dernier vagabond, se comprend à merveille et peut vivre ensemble. On s’en aperçoit, du reste, à la façon dont s’y prend le farouche cavalier des pampas pour manier les institutions européennes que notre folie propagandiste l’a induit à accepter. Les gouvernements de l’Amérique du Sud ne sont guère comparables qu’à l’empire d’Haïti, il faut bien consentir désormais à s’en apercevoir, et ce sont les hommes qui naguère applaudissaient avec le plus d’emportement à la prétendue émancipation de ces peuples, et qui en attendaient les plus beaux résultats, ce sont ceux-là même qui aujourd’hui, devenus justement incrédules sur un avenir qu’ils ont tant hâté de leurs vœux, de leurs écrits et de leurs efforts, prédisent le plus haut qu’il faut un joug à ces amas de métis, et qu’une domination étrangère peut seule leur donner l’éducation forte dont ils ont besoin. En parlant ainsi, ils indiquent du doigt, avec un sourire satisfait, le point de l’horizon d’où