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Page:Godard d’Aucour - Thémidore, 1908.djvu/112

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se servit des termes les plus forts et les plus énergiques pour me reprocher ma hardiesse ; elle pleura même. Façons, cher marquis, je connaissais trop la marche du cœur du sexe pour être alarme : une femme souvent n’est jamais plus près de sa chute que lorsqu’elle fait plus d efforts pour s’en défendre. Je lui laissai exhaler son courroux. Je pris la parole, m’excusai sur ses charmes, mon excuse posait sur un bon fondement, je lui promis un secret inviolable, et moi qui avais été regardé comme un tyran, je devins insensiblement un consolateur dont on écoutait tranquillement les avis. Quand on est sûr du secret, on craint moins pour sa vertu. Je rétablis la paix dans l’âme de Mme Dorville, je la vis dans ses yeux ; ce fut là où je fus convaincu qu’Annibal se serait rendu maitre de Rome s’il ne se fût pas amusé aux délices de Capoue. Elle se leva, je la reconduisis, et, en sortant, elle me serra la main d’une façon à me faire entendre qu’elle était moins fâchée, et qu’elle me pardonnerait mon audace, aux conditions que je ne serais pas assez imprudent pour m’exposer sur la bonne foi des fenêtres et des portes ouvertes. Je lui fis mille politesses et l’assurai que je goutais infiniment la bonté de sa cause.

Elle remonta en carrosse et moi dans mon appartement. J 'y avais laissé M. Le Doux. En mon absence, il avait fait la visite de ma bibliothèque, et, en furetant, il n’avait pas oublié certains pots de confiture qui étaient sur une tablette écartée. Il m’en parla comme d’une chose indifférente à moi qui était un homme du monde, et qui serait d une grande utilité à un directeur comme lui qui assistait un grand nombre de malades. Il n’eut point ce qu’il demandait ; car sur le chapitre des confitures et des douceurs, j’ai l’âme la plus ecclésiastique qui fût jamais.