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Page:Godard d’Aucour - Thémidore, 1908.djvu/127

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aussitôt qu’il aurait pris son café, il ne manquerait pas à se rendre au logis.

Je complimentai Nanette sur ce qu’elle était la gouvernante de M. Le Doux, qui était un très honnête homme et mon ami particulier. Elle me répliqua uniment qu’il était fort bon maitre et que, depuis trois ans qu’elle était à son service, elle n’avait qu’à se louer de son égalité et de sa douceur. Comme elle ne s’étendit pas extrêmement sur son panégyrique, je conclus qu’il n’y avait aucune liaison déterminée entre eux. Pendant que je lui demandais pourquoi elle s’était attachée à M. Le Doux, moi-même, sans m’en apercevoir, je m’attachais très fort à elle. Enfin, de discours en discours, je conduisis la conversation sur ces matières, que les femmes aiment si fort à traiter, et dont elles font semblant de rougir. Les fleurs naissent sous les pas de ceux qui courent dans cette carrière, il y a toujours quelqu’un qui en cueille.

Cependant le feu me montait au visage ; je m’approche de cette belle fille, qui se levait de son siège sans avoir trop envie de sortir, je lui prends la main que je trouve blanche à ravir, je lui répète qu’elle est charmante, qu’elle est adorable, je lui donne un léger baiser qui est suivi par un second auquel elle se dérobait autant qu’il en fallait pour qu’il ne fît pas une impression trop marquée sur ses lèvres. Je ne sais si c’est la dévotion qui apprend ces délicatesses ; si cela est, je veux m’y livrer pour mon plaisir. L’état dans lequel j’étais excusait de ma part un peu de hardiesse ; on n’a jamais exigé qu’un homme en robe de chambre soit aussi retenu et aussi sage que lorsqu’il est empaqueté dans les ornements de la magistrature. Mes mains, devenues entreprenantes par degrés, osèrent lever le voile qui cachait à mes yeux des trésors ;