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Page:Godard d’Aucour - Thémidore, 1908.djvu/138

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Le diner fut servi copieusement, et nous nous assîmes environ vingt-cinq personnes à table : le pasteur ne se contenait pas de joie. Comme il n’y avait de femme ou fille que Mlle des Bercailles de jolie, les autres étant toutes passées, je la mis entre le curé et moi, bien résolu d’en tirer parti, sachant que la poulette n’était pas novice.

Son amoureux eût bien voulu être à ma place : mais si l’épée cède le pas à la rob, un villageois ne doit pas seulement avoir contre elle de la jalousie. Blutot, qui avait apporté sa fiole amoureuse, cherchait à en verser dans le pot duquel on devait servir à boire à mon aimable compagne. Il ne put choisir, et, comme l’homme perd souvent la tête à propos de rien, il se précipita si tort qu’il vida tonte sa bouteille dans une grande cruche de six à huit pintes qui devait servir au dessert. Le repas fut assez tumultueux, le clergé mangea beaucoup et but de même, déclama contre les hérétiques et fit t’éloge de la bière ; je pris soin d’en conter à ma compagne, et je n’eus pas de peine à lui faire gouter mes raisons. Elle avait de l’expérience ; une fille, dans ce cas, avec un peu de tempérament, vous devance dans la carrière du plaisir. Nous en étions au point que, dans la compagnie qui commençait à s’émanciper insensiblement, nous nous serions recueillis dans quelque allée du jardin. Ce ne fut que partie différée. Le dessert venu, redoublement de joie. Bien n’est plus divertissant à voir, une seule fois en sa vie, que ces assemblées. Vous y reconnaissez l’âge d’or, ce bel âge où les hommes sans finesse et sans gout s’enivraient de voluptés sans les sentir.

Un servit à toute la compagnie un grand verre de la liqueur renfermée dans cette cruche en question, c’était une espèce de ratafia propre à faire conter la bière. Mon père