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Page:Godard d’Aucour - Thémidore, 1908.djvu/55

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cent fois plus délicieux que tous les superflus. On ne trouve jamais là de parents au degré prohibé, ainsi jamais de trouble. La sagesse est consignée à la porte, et le secret qui fait sentinelle ne laisse entrer que le plaisir et l’aimable libertinage.

Le diner servi, nous en profitâmes. Passez-m’en la description. Imaginez ce que peut offrir la volupté, quand la finesse vous sert à petits plats. Je me plaçai auprès de Laurette, et le président choisit Argentine. Laverdure nous fit attendre après la bisque ; cet intervalle fut rempli par une dispute qui s’éleva sur le savant et ennuyeux opéra de Dardanus. Déjà nous étions animés lorsqu’on nous présenta deux entrées, auxquelles Martial[1] eût donné un nom très appétissant. Ce service calma notre ardeur, et nous remit dans notre assiette et sur notre assiette.

Vous ne connaissez pas beaucoup nos deux convives ; en voici une esquisse.

Laurette est encore jeune, mais moins qu’elle ne le dit, et moins aussi qu’elle ne le pense ; la bonne foi des femmes est admirable sur cet article. Elle est une de ces grandes filles bien découplées, dont la taille et la jambe dénotent des dispositions excellentes pour plus d’une danse. Elle est brune, très sémillante, et se pique de faire naitre des désirs.

Argentine est une grosse maman ragoutante qui a le nez un peu retroussé, la bouche jolie, la main potelée, et une gorge en faveur de laquelle la nature n’a pas été ménagère. Le plaisir est sa divinité chérie, aussi lui sacrifie-t-elle le plus souvent qu’il lui est possible. Leur conversation

  1. Fameux cuisinier.