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Page:Godard d’Aucour - Thémidore, 1908.djvu/62

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m’avait laissé les moyens de lui témoigner quelque chose.

Cependant arriva Laurette. Ce canapé est contagieux, on ne peut en approcher sans s’en ressentir, dit-elle ; voyons aussi vos yeux, Argentine ? Et les vôtres, conseiller ? Cela suffit : il faut avouer que ma bonne amie est bien tranquille ; elle ressemble au grand Condé, qui n’était jamais d’un plus grand sang-froid qu’au milieu d’une bataille. Le président repose, vidons cette bouteille de Frontignan pendant son sommeil. Vous êtes pensif, cher conseiller ? Vous avez un air respectueux ; il ne faut marquer du respect aux dames, que lorsque vous ne pouvez pas leur en manquer.

Cependant la conversation tomba sur la lecture, ressource d’un homme fatigué, et de femmes qui n’ont pas encore songé à médire. On parla beaucoup du roman Acajou[1], je trouvai que l’épitre dédicatoire au public était ce qu’il y avait de plus raisonnable dans le livre. Nos demoiselles firent l’éloge de l’auteur, louèrent sa facilité à parler, et son esprit sur toutes sortes de matières ; Argentine, qui est de ses amies, dans les transports de son affection pour lui, nous assura que, par cascade, elle avait assez de crédit pour le faire recevoir à l’Académie française.

La conversation est bientôt épuisée, lorsqu’elle roule sur le mérite d’un auteur. Nous discourûmes de mode, de dentelles, d’étoffes, et, par gradation, nous commencions à mettre Rozette sur le tapis lorsqu’elle entra elle-même et nous surprit agréablement par sa présence. Je me levais pour aller au-devant d’elle, elle m’arrêta ; et après

  1. Tout le monde sait que ce roman est de M. Duclos, de l’Académie des Inscriptions.