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Page:Godard d’Aucour - Thémidore, 1908.djvu/63

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un salut de joie, elle fit le tour de la table, et nous donna à tous un baiser sur le front avec un certain petit bruit des lèvres qui est ordinairement l’écho du plaisir.

Elle nous découvrit tout le mystère, et nous apprit qu’il y avait longtemps qu’elle était dans la chambre voisine ; elle nous récita nos propos, et nous décrivit nos aventures, elle compta même les minutes que j’avais occupé avec Argentine ; et en connaisseuse, elle m’assura que j’avais été trop longtemps pour peu, et trop peu pour beaucoup : on en fit juge Argentine, un seul mot de sa part fit mon éloge.

Rozette était sans panier avec le plus beau linge du monde ; une chaussure fine, et une jambe dont elle sait tirer mille avantages. Le président dort, s’écrie-t-elle ? Veillons. Le dessert a été réservé pour mon arrivée ; remplissons sa destination ; tâchons qu’il n’en reste rien, et que, pour la première fois, le juge n’ait que les écailles de l’huitre. Nous suivîmes son avis. Une heure se passa à badiner, à chanter, à faire partir les bouchons, et à casser des verres et quelques porcelaines[1]. C’est le gout des dames de condition : depuis le départ des officiers pour l’armée, elles font les petites maitresses, et se plaisent dans des soupers où l’on fait carillon, elles trouvent un esprit infini à briser un miroir ou une table, ou à jeter des chaises par les fenêtres : les filles du monde n’ont-elles pas droit de copier dans ses expéditions les jeunes marquises, puisque celles-ci les copient dans leurs intrigues ? Je tirai de ma poche ma flute ; Laurette s’en saisit ; et comme elle en joue passablement, elle préluda par des roulades,

  1. Mmes de *** étant à la Rapée au mois de juillet y firent ces extravagances.