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Page:Godard d’Aucour - Thémidore, 1908.djvu/64

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et nous donna des airs assez touchants. Rozette prit cet instrument à partie, et soutint que la façon d’en tirer des sons était indécente, elle blâma les coups de langue, et soutint que jamais le sexe ne devait toucher à une flute en compagnie. Où la morale allait-elle se loger ? Dans le fond, il est vrai de dire qu’il est certaines choses dont une femme ne doit jamais faire savoir qu’elle sait faire usage.

Rozette, après ses réflexions sur ma flute, parla de son état. C’est l’ordinaire qu’après certaines parties, lorsqu’on a pour ainsi parler épuisé le plaisir, on se jette sur les embarras de la vie, ou sur les obligations de la nature, et ses malheurs. Quelle destinée pour la philosophie d’être fille en quelque sorte du libertinage ! Rozette fit une comparaison de ses pareilles avec les abbés qui n’était pas sans ressemblance.

Les uns, disait-elle, débutent dans le monde par un air de modestie et de pudeur ; les autres par une affectation de cagoterie. Nous regardons les hommes à la dérobée, les abbés dévorent les femmes sous leurs grands chapeaux. Les hommes viennent nous chercher ; les femmes se glissent vers nos messieurs. Nous ruinons nos amants, ils font fortune par le moyen de leurs maitresses. Nous sommes dans l’opulence tant que nous sommes jeunes, les autres ne deviennent à leur aise qu’en vieillissant. Nous sommes sages et quelquefois saintes sur la fin de nos jours, les abbés au contraire sont plus libertins sur le déclin des leurs. La nécessité fait notre vocation, l’intérêt fait presque toujours la leur ; on ne donne au monde que ce qu’il y a de mieux ; et l’Église a ordinairement le rebut de la nature. Nous sommes dans l’État deux êtres indéfinissables qui ne tiennent à rien et se trouvent partout, qui ne