Aller au contenu

Page:Godard d’Aucour - Thémidore, 1908.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le doigt sur l’endroit où je prétendais arriver, et avait résolu de me donner quelque distraction en chemin. Sans m’avertir, elle avait fait venir une de ses bonnes amies qui, en pareille rencontre, avait coutume de lui servir de second. C’est la première fois qu’une femme ait choisi une autre femme pour lui faire la galanterie d’une bonne fortune qui lui appartenait.

Nous rentrâmes dans le cabinet, Rozette me devançait. Nous en étions aux explications, et une glace qui répétait notre attitude me la rendait plus chère en en doublant la perspective. Un de ses bras était derrière ma tête, la sienne penchée sur mon estomac, son autre main était saisie de ce qu’elle craignait, les miennes errantes s’amusaient à des emplois qui ne se décrivent pas. Ses jambes badinaient auprès d’un ennemi qui n’en était pas un pour elle. Avez-vous vu, marquis, un tableau de Coipel[1], dans lequel une nymphe couchée sur un lit de fleurs auprès de Jupiter se plait à manier son foudre. Nous étions une copie de ce chef-d’œuvre. J’étais dans une position si agréable que je n’osais en sortir, et elle était si voluptueuse qu’elle me faisait sentir qu’il y en avait une autre qui l’était davantage. Je la demandai, on me la refusa, je voulus la ravir, on me disputa la victoire, j’allais triompher lorsque Mlle de Noirville entra. Vous ne pouvez être sage, me dit alors Rozette, en élevant la voix et feignant d’avoir été surprise, savez-vous que je me fâcherai à mon tour ? Je m’étais levé par politesse ; elle s’esquiva alors, et, en fermant là porte à la clef, elle me laissa avec la nouvelle venue dans un déshabillé qui annonçait ce que j’avais voulu faire. Je fus un peu surpris. Mlle de Noirville me pria

  1. Antoine Coipel, fameux peintre.