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Page:Godard d’Aucour - Thémidore, 1908.djvu/84

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et les plus singuliers. Elle allait ensuite chercher des liqueurs, m’en présentait, en buvait, n’en buvait pas, me prenait entre ses bras comme un enfant, et me couvrait de caresses. En un mot elle fit mille folies que les grâces ne désavoueraient point. Le lit se trouva préparé et nous invita à prendre du repos. La lumière retirée, les rideaux fermés, croyez-vous, cher marquis, que je me sois abandonné au sommeil ? Pétrone fait la description d’une nuit qu’il passa délicieusement ; celle-ci est fort au-dessus. Quand ce ne serait que parce qu’un honnête homme n’ose pas se vanter de l’une, et qu’il faut être bien homme pour avoir gouté autant de plaisir que j’en ai eu pendant l’autre. Tout ce que l’art put inventer fut mis en usage ; nous avions la nature à nos ordres. Le moindre obstacle eût nui à nos empressements, on écarta tout, nous donnâmes l’exclusion à une feuille de rose.

Nous entrâmes en conversation. Rozette, malgré ses promesses, n’essayait-elle pas encore d’éluder mes entreprises ? J’allais uniquement à mon but, et elle voulait m’y conduire par des détours.

Hors d’elle-même, comme je m’en apercevais bien, elle n’en perdait cependant pas la tête, et après avoir épuisé dix fois mon ardeur, elle n’en avait éprouvé superficiellement que l’élixir. Sans avoir joui précisément, j’avais eu le plaisir de la possession. Je ne pouvais me glorifier d’avoir obtenu ce que je désirais, je ne pouvais être fâché de ne l’avoir pas obtenu, l’art de Rozette m’avait fait illusion ; c’est une vraie magicienne en amour.

Le jour arriva et Morphée me procura du repos. A mon réveil, je trouvai la table couverte ; je dinai de grand appétit. Les fatigues de la nuit m’avaient épuisé. Souvent on est plus incommodé d’une promenade que d’un long voyage.