Page:Godard d’Aucour - Thémidore, 1908.djvu/83

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Fatigué, je la nommais cruelle, barbare, nouveau Tantale, le fruit et l’onde fuyait à mon approche.

Cruelle ? Barbare ? Reprenait-elle ? Vous serez puni tout à l’heure. Alors elle se saisit du bouquet que je lui destinais ; puisque l’on m’insulte, continuait-elle, en prison tout à l’heure ; effectivement elle l’y conduisit, mais je ne sais si ce fut de chagrin ou par quelque autre motif, le prisonnier à peine entré se mit à pleurer entre les deux guichets.

Nous entendîmes qu’on avait servi et nous nous transportâmes sans dire mot, où la volupté nous attendait avec ses apprêts. Notre conversation fut assez vague et sage. Quand dans un tête-à-tête deux personnes comme nous s’entretiennent de choses indifférentes, c’est une preuve qu’il s’en est passé qui ne l’étaient pas.

Le souper fini je ne jugeai pas à propos de m’en retourner, et sans me soucier de mon équipage qui m’attendait, ni de mon père ni de personne, je demandai à Rozette une retraite pour cette nuit ; elle me l’accorda en me faisant jurer que je serais sage. Ne savait-elle pas bien qu’un jeune homme ne peut contracter vis-à-vis une jolie femme avec qui il doit passer la nuit ?

Cependant Rozette était devenue extrêmement gaie, et faisait mille folies dans la chambre. Tantôt elle montait sur la commode, et voulait que je la portasse sur mes épaules, tantôt elle sautait d’une chaise à l’autre et contrefaisait les tours des danseurs de corde. Tantôt levant son jupon jusqu’aux genoux, elle passait un entrechat et me priait d’examiner sa jambe, qui effectivement est faite à ravir. Elle découvrait de loin sa gorge, puis la recouvrait et, faisant l’éloge de ce qui était caché, elle me promettait que je n’en profiterais jamais. Puis, elle prenait son chat, et lui tenait les discours les plus plaisants