Épuisés de fatigue, Rozette et moi, nous voulions nous avertir de terminer nos transports, mais ses lèvres étaient collées sur les miennes, et les organes de nos voix embarrassés l’un par l’autre étaient occupés si délicieusement qu’ils ne pouvaient former le moindre son pour nos oreilles. C’est dans cette position que nous avions attendu le sommeil et qu’il nous avait couronnés de ses pavots. Enfin, nous dormions, la volupté était entre Rozette et moi, et la vengeance veillait pour nous faire sentir les horreurs d’un affreux réveil. Hélas ! Qu’alors un songe officieux envoyé par l’amour tenait mes sens dans une attente flatteuse ! Quel bruit vint me tirer de cette aimable illusion ?
Mon père, le commissaire, l’exempt et quelques cavaliers étaient entrés dans la maison et s’étaient informés si Mlle Rozette n’y était pas et quelle était sa compagnie. Ils surent tout, et on fut sûr, par le portrait qui fut tracé de ma figure, que j’étais celui qui s’amusait depuis deux jours avec la nymphe de ce palais. On monte, on frappe à la porte ; la femme de chambre vint porter l’alarme dans notre appartement, et, effrayée des menaces qu’elle entendait, elle ouvrit à des personnes qui entrèrent avec un grand nombre de lumières. Rozette fut saisie de peur ; une femme seule en tel cas est hors d’elle-même, mais elle est bien autrement tremblante quand elle se trouve alors entre les bras de son amant. Je me levai, je saisis deux pistolets, dont je suis toujours muni quand je vais en parties ; j’attendais en bonne contenance que quelqu’un se présentât. Pensais-je que mon père dût se trouver ainsi à mon lever ? Une sentinelle est placée dans l’antichambre, une autre à la porte de notre cabinet, et plusieurs gardaient l’escalier.