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Page:Godard d’Aucour - Thémidore, 1908.djvu/96

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sa discipline chez M. le lieutenant de police, s’il en était curieux. Elle restera longtemps au greffe. Comme il n’y avait rien là à gagner pour le commissaire, il ne fit point de procès-verbal et dirigea ses pas vers la maison désignée, il y arriva avec son cortège.

L’aurore montée sur son char de pourpre et d’azur ouvrait dans l’Orient les portes du jour, et les oiseaux commençaient leurs concerts amoureux : il était quatre heures du matin. Les songes voltigeaient dans les alcôves, et Rozette entre mes bras goutait le repos dont les fatigues d’une nuit voluptueuse lui avaient mérité l’usage. Ne vous attendez pas, cher marquis, que je vous fasse ici la description de cette nuit. Mille fois j’expirai de plaisir, mille fois je fus rappelé à la vie, et mille fois je mourus afin de revivre encore. Jamais je n’eus une ferveur plus sincère. Mon culte s’adressait à toutes les parties de ma divinité, tout en elle était le sujet d’un éloge et d’une offrande, tout en moi était pour elle un présent agréable et était récompensé par une faveur. Transportés, je crois, dans le royaume des enchantements, nous changions mutuellement de sort ; elle devenait sacrificateur et moi victime ; je goutais presque la satisfaction d’être immolé, et, hors le couteau sacré qui ne me perçait pas le flanc, il ne me manquait rien de ce que doit éprouver une victime. Nos moments ne coulaient plus, ils étaient fixés, et des années entières ainsi consumées ne seraient pas un point dans la vie la plus courte. Combien de fois, dans ces égarements qu’on ne peut que sentir, ai-je oublié que j’existais, ou ai-je désiré d’être anéanti dans ce que je sentais. Pourquoi la nature a-t-elle borné nos forces et étendu si loin nos désirs ? Ou plutôt pourquoi ne se rencontrent-ils pas à raison égale ?