Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/141

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quelque coin du royaume, ils étaient bien convaincus qu’il me serait impossible d’échapper.

Ainsi chaque nouvel incident tendait à me révéler de plus en plus le danger extrême auquel j’étais exposé. J’aurais pu m’imaginer en vérité que j’étais le seul objet de l’attention générale, et que le monde entier était en armes pour m’exterminer. Il n’y avait pas en moi une fibre qui ne tressaillît de douleur et d’effroi. Mais cette idée, quelque épouvantable qu’elle parût à mon imagination, ne servit qu’à m’animer encore à la poursuite de mon plan ; je me sentis plus déterminé que jamais à ne pas volontairement abandonner le champ de bataille, c’est-à-dire, en d’autres termes, à ne pas abandonner mon cou à la corde du bourreau, en dépit de l’immense supériorité de mes adversaires. Mais ce qui venait de m’arriver ne changea rien à mes projets ; je n’en pesai qu’avec plus de réflexion les moyens d’exécution qui étaient à ma portée. En conséquence, je me déterminai à me diriger vers le port de mer le plus voisin du côté de l’ouest de l’Angleterre pour passer en Irlande. Je ne saurais dire à présent ce qui me porta à préférer ce plan à celui auquel je m’étais arrêté dans l’origine. Peut-être que ce dernier, ayant occupé depuis quelque temps mon imagination, me sembla par cette raison plus facile à deviner que l’autre, et qu’en substituant le second à sa place, je crus trouver dans cet arrangement une plus grande complication de mesures que mon esprit ne s’arrêta pas à analyser.