Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/162

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n’avais pas le moment de la réflexion pour goûter toute leur amertume. Je me trouvais au contraire forcé de les oublier à mesure qu’ils m’atteignaient, pour me tenir en garde contre les périls dont j’étais menacé par l’instant qui s’approchait. J’eus le cœur déchiré de la conduite de cet aimable et excellent vieillard envers moi. C’était un épouvantable présage pour tout le reste de ma vie. Mais, comme je viens de le dire, mes gardiens rentrèrent, et mon attention se trouva impérieusement appelée vers un autre objet. Dans l’excès de mortification que j’éprouvais en ce moment, j’aurais voulu être enfermé dans une solitude impénétrable, et m’ensevelir tout entier dans une inconsolable misère. Mais toute profonde qu’était ma douleur, elle n’avait pas encore assez d’empire pour me faire envisager sans effroi le gibet dont j’étais menacé. L’amour de la vie, et bien plus encore la haine de l’oppression, armaient mon cœur contre l’inertie du désespoir. Dans la scène qui venait de se passer, j’avais voulu, comme je l’ai déjà dit, me donner la jouissance d’un raffinement d’honneur et de délicatesse. Mais il était temps de faire cesser cette fantaisie. Il était dangereux de badiner plus longtemps sur le bord de l’affreux précipice ; et, navré comme je l’étais du résultat de ma dernière tentative, pouvais-je m’abandonner à d’inutiles préambules ? J’étais justement dans la disposition où me voulaient les misérables qui me tenaient en arrestation. En conséquence, nous entrâmes bien vite en négociation, et après avoir un peu marchandé, ils tombèrent d’accord de recevoir onze