Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/174

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Je m’écriais alors : « Pourquoi suis-je condamné à porter le fardeau de l’existence ? Pourquoi tant d’instruments de torture ? Suis-je un meurtrier ? Et si je l’étais, que souffrirais-je de pire ? Quelle vile situation est la mienne ! je ne suis point à ma place ! À quoi bon ces nobles inspirations de mon âme ? Je suis comme l’oiseau effrayé qui se meurtrit contre les barreaux de sa cage ? Nature, barbare nature ! tu as été pour moi la pire des marâtres : tu m’as doué d’insatiables désirs pour me plonger dans une éternelle dégradation.

Je me serais regardé encore bien plus en sûreté si j’avais possédé de quoi subsister. La nécessité de gagner ma vie par mon travail était un obstacle au plan de retraite et d’obscurité que j’étais condamné à suivre. Quelque genre de travail que j’adoptasse, la première chose à examiner était de savoir comment je viendrais à bout d’avoir de l’occupation et où je trouverais quelqu’un soit pour m’employer, soit pour acheter le produit de mon travail. Cependant je n’avais pas d’alternative. Le peu d’argent qui était échappé à la rapacité des limiers de la justice était presque tout dépensé.

Après avoir bien examiné la question sous toutes ses faces, je décidai que la littérature serait la carrière où je risquerais mes premières tentatives. J’avais vu dans mes lectures qu’il avait été gagné beaucoup d’argent à ce métier, et que des spéculateurs en ce genre de marchandise donnaient un gros prix à ceux qui étaient bons ouvriers. Je n’évaluais pas mes talents bien haut. Je ne me dissi-