Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/256

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nom sans horreur et dégoût. Ce nom était celui de l’homme qui m’avait enlevé toutes mes consolations, tout ce qui était pour moi un bonheur ou un semblant de bonheur.

La composition de ces mémoires a été pour moi, pendant plusieurs années, un moyen de distraction, j’ai trouvé pendant quelque temps une triste consolation à les écrire. J’aimais mieux ramener mes pensées sur cette longue suite de calamités que j’avais eu à essuyer que de les porter en avant, comme je n’y avais été que trop accoutumé autrefois, sur les malheurs que l’avenir pouvait me réserver. Il me semblait que mon histoire, racontée avec candeur et exactitude, porterait avec elle une empreinte de vérité si frappante, que peu d’hommes pourraient y résister. « Au moins, me disais-je, laissant après moi ces tristes mémoires, quand je cesserai d’exister, la postérité aimera à me rendre justice, et les hommes, instruits par mon exemple du déluge de maux que la constitution actuelle de la société entraîne sur leur tête, tourneront enfin leur attention vers la source d’où découlent tant de douleurs et d’amertumes. » Mais ces motifs ont perdu de leur influence pour moi. J’ai fini par contracter un dégoût de la vie et de tout ce qui l’accompagne. Ce plaisir que j’éprouvais à écrire est devenu maintenant un fardeau. Je resserrerai dans un court espace ce qui me reste à dire.

Peu de temps après l’époque où j’en étais resté, je découvris la cause précise de ce changement mystérieux qui s’était fait à mon égard dans ma re-