Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/29

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retirèrent et me laissèrent à la garde de deux autres domestiques.

L’un de ceux-là était le fils d’un fermier du voisinage qui avait été longtemps l’intime ami de mon père. J’avais envie de connaître précisément le fond de l’âme de ceux qui avaient été témoins de cette scène, et qui avaient eu occasion d’observer auparavant mes mœurs et ma conduite. Je cherchai donc à entrer en conversation avec celui-ci, « Eh bien, mon bon Thomas, lui dis-je en hésitant et avec un accent plaintif, ne suis-je pas une bien malheureuse créature ?

— Ne me parlez pas, maître Williams ; allez, vous m’avez donné une telle secousse, que je n’en serai remis de longtemps. Vous avez été couvé par une poule, comme on dit, mais il faut que vous soyez sorti de l’œuf d’un basilic. Je suis vraiment bien aise que l’honnête fermier Williams soit mort ; car votre coquinerie lui ferait maudire le jour où il est né.

— Thomas, je suis innocent ! Je le jure par le Dieu du ciel qui doit me juger un jour, je suis innocent.

— Ne jurez pas, je vous en prie, pour l’amour de Dieu, ne jurez pas ! votre pauvre âme est déjà bien assez damnée sans cela. Ma foi, grâce à vous, mon garçon, je ne me fie plus jamais à personne et je ne crois plus aux apparences, quand ce serait un ange. Bonté divine ! comme vous nous en avez débité ! comme vous avez la langue dorée ! À l’entendre, on l’aurait cru innocent comme l’enfant qui