Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vient de naître ; mais, à d’autres. Vous ne ferez pas croire aux gens que le noir est blanc ; pour mon compte, c’est bien fini avec vous. Je vous aimais hier tout comme si vous aviez été mon frère. Aujourd’hui j’ai tant d’amitié pour vous que je ferais de tout mon cœur dix milles à pied pour vous voir pendre.

— Bon Dieu, Thomas, pouvez-vous me dire cela ! Quel changement dans votre cœur à mon égard ! Je prends Dieu à témoin que je n’ai rien fait pour le mériter. Quel monde que celui où nous vivons !

— Arrêtez donc votre langue maudite ! les cheveux me dressent à la tête seulement à vous entendre. Pour tout l’or du monde je ne passerais pas une nuit sous le même toit que vous. Je craindrais à tout moment de voir tomber la maison pour vous écraser ! Je m’étonne que la terre ne s’ouvre pas pour vous engloutir tout vivant. C’est un poison rien que de vous regarder en face ! Si vous allez ce train-là, je crois, Dieu me pardonne, que les gens à qui vous parlerez finiront par vous déchirer par morceaux, et qu’ils ne vous laisseront jamais le temps de gagner la potence. Oh ! oui, je vous le conseille, plaignez-vous. Le pauvre petit innocent ! C’est dommage qu’il crache du venin tout autour de lui comme un crapaud et qu’il empoisonne la terre de son écume partout où il passe. »

Quand je vis que celui à qui je parlais était aussi inaccessible à tout ce que je pouvais dire, et considérant que, même en venant à bout de le ramener de sa prévention, je n’en tirerais pas grand avan-